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Genèse écrit la terre produisit des âmes vivantes
L'homme étant tiré de la terre et se nourrissant de son produit
l'auteur peut écrire: "la terre produisit"
Origène écrivit" Ils devinrent une grande multitude et
acquirent une grande puissance: car la terre les multiplia" - :
Origène Homélies sur l'exode
Acte du Dieu éternel et tout puissant, par lequel il appelle à
l'existence des choses visibles et invisibles, matérielles ou
spirituelles (Rev 4,11 Psa 148,5).
Ce mot s'entend aussi, par extension, de l'univers, de l'ensemble des
choses créées.
L'homme, borné dans son intelligence et déchu, ne peut pénétrer
et ne pénétrera jamais la totalité des mystères liés à la
création de l'univers, trop profonds pour lui. (Job 11,7-8 38,1.).
Rien ne l'empêche cependant de chercher à découvrir les choses
cachées de Dieu, il peut et doit même chercher à connaître ce
qu'il Lui a plu de nous laisser en découvrir et que nous appelons
'sciences'.
L'homme dispose pour cette recherche de trois sources d'instruction:
1°)) La Parole de Dieu, qui entend les révélations de la divinité
sur les choses qu nous seraient sans elle demeuraient obscures et
inatteignables: Les mondes supérieurs, les anges, les Archanges, le
dessein de Dieu quand à l'avenir de la terre, et les délices qui
s'ensuivront, le secret des plantes médicinales.. Rom 1,20
2°)) Le langage la nature: La géologie, la biologie, l’observation
des animaux, des phénomènes météorologiques, la géographie,
l'exploration ..
3°)) Les sciences de la vie: La psychologie, la sociologie, les
médecines, l'histoire ..
4°)) Le langage de l'Univers: La Physique, les Mathématiques, les
'conquêtes' spatiales, les satellites, l'études des phénomènes
célestes ..
C'est ainsi que 'le monde' qui nous entoure est généralement
surnommé 'Livre de la nature'.
''Les œuvres de Dieu (sa création) et sa Parole sont les deux
colonnes d'entrée (Yakin et Boas) du temple de la vérité",
les témoins fidèles et vivants de sa sagesse et de sa puissance et
infinie. Toute recherche qui rejetterait l'un ou l'autre des piliers
de la connaissance, ne pourrait que conduire à la perte totale de
l'intelligence nécessaire à la découverte des mystères de
l'Univers et donc nuire à l'harmonie de la création. (ex.
Maltraiter la terre conduit à la disparition de l'humanité).
Mat 22,29 ''Vous êtes dans l'erreur parce que vous n'entendez pas
les Ecritures ni quelle est la puissance de Dieu”.
Job 26,U "Nous craignons, nous aussi, ¦ d'obscurcir son conseil
par des paroles sans science.
Basé sur des piliers aussi solides, l'homme de sciences ne se laisse
ébranler dans sa foi, par des découvertes peuvent parfois sembler
en contradiction avec la révélation écrite, ou avec des systèmes
cosmogoniques proposés par des 'chercheurs' impies ou au contraire
par des doctrines philosophiques ou religieuses, voire pseudos
chrétienne qui ne correspondent en rien à la vérité révélée
par le livre de la nature.
Gen 1,4 ''Dieu créa au commencement le ciel et la terre»
Le vobale 'Créer' (heb. bara) signifie d'après le dictionnaire
Larousse: "Faire que quelque chose, un être existe,
spécialement en parlant de Dieu: Créer le monde. Réaliser ou
concevoir quelque chose: Créer un mot nouveau. Créer un personnage
de bande dessinée. Fonder, établir quelque chose, être à
l'origine de son existence: Créer une association sportive".
Nous remarquons que l'œuvre des trois premiers jours, dans le récit
de Moïse, est en grande partie une œuvre de séparation: Dieu
sépare la lumière 'avec les ténèbres, il sépare les eaux
supérieures des eaux inférieures, il sépare la terre sèche d'avec
la mer, il sépare le jour d'avec la nuit.
Contrairement à l'enseignement de Platon, le principal, théoricien
et 'scientifique' de son temps, Les Saintes-Ecritures savaient déjà
que la matière ni n'a toujours existé, - qu'elle eut une origine -
ni qu'elle soit éternelle.
Gen 1,1 "Au commencement Dieu créa le ciel et la terre".
Cf. Heb 41,3 Psa 33,9
Par contre, elle affirme concernant le Christ: ''Il était au
commencement avec Dieu et il était Dieu'' (Jean 1,1) et encore
qu'il était là Lorsque Dieu "Agençait les cieux et qu'il
traçait le cercle au-dessus des abîmes, lorsqu'il n'avait pas
encore fait la terre, ni le commencement de la poussière du monde,''
Pro 8,22-30
Moïse se sert en parlant des œuvres de Dieu, tantôt du mot bara,
tantôt du mot hazah (il fit) (Isaïe 43, 11 S. Nomb. 46, 30 Ps. 4
04, 30
Ainsi, Gen 1,21 Dieu créa les grands poissons; v. 25, Dieu fit les
bêles de la terre; v. 26, faisons l'homme à notre image; v. 27,
Dieu créa donc l'homme.
M. de Rougemont (Fragments d'une Histoire de la terre, p. 113) voit
quelque chose de plus dans la manière dont Moïse se sert de ces
mots; il dit que ''créer signifie former un type nouveau, tandis que
faire est restreint au développement d'un type déjà existant:
ainsi, dit-il, Dieu crée l'animal, l'homme, 4, 20-27 mais une fois
les animaux aquatiques existants, il ne crée pas les animaux
terrestres, il les fait.''
La création du commencement doit être distinguée de la création
des six jours; d'autant plus que le récit de ce qui s'est passé
dans chacun de ces jours est précédé de la déclaration que ''Dieu
dit,'' ou voulut l'événement qui suit immédiatement; par
conséquent il semble que la création du premier jour doit avoir
commencé lorsque ces mots: ''Et Dieu dit,'' sont employés pour la
première fois, c'est-à-dire pour l’apparition de la lumière.
Il est évident que cette 'création' ne fait que donner une nouvelle
forme, un nouvel arrangement, de 'meubler' d'une manière nouvelle un
monde qui existait déjà, car nulle part dans le récit des six
jours il ne nous est dit que Dieu fit, ou créa l'eau, ni la terre,
ni les ténèbres, choses déjà existantes (résultat d'une création
précédente) les quelles il ne fait, dans les premiers jours, que
séparer les unes des autres et les mettre dans un ordre nouveau.''
(Buck-land's 1,22).
Nous croyons donc que le v. 4 nous parle d'une création primitive
des choses matérielles, sans en indiquer l'époque qu'il ne nous
importe probablement pas de sa voir. Ceci n'est pas une opinion
nouvelle; c'est celle de plusieurs pères de l'Eglise (voir Pétavius,
Dogm.Theol.,tom.III. De opificio sex Dierum, Lib. 4 Cap. 1, § 8, et
cap. 11, § 4-8). Les uns voyaient dans les deux premiers versets de
la Genèse le récit de la création d'un monde primitif; d'autres,
comme saint Augustin, Théodoret, y voyaient la première formation
de la matière; d'autres, celle des éléments; d'autres croient que
les cieux dont il est question au v. 1 sont, non le ciel
atmosphérique de notre terre qui ne fut créé que le deuxième
jour, mais ce qui est appelé ailleurs les cieux des cieux.
Nous voyons, en effet, que quoique la Genèse emploie le même mot
Shamayim pour désigner ces deux choses, la Bible les distingue
ailleurs, comme Neh 9 6
La racine du mot hébreu qui signifie ciel, étant le prétérit
inusité shamah, être élevé, le mot shamayim signifierait les
hauteurs, ou les espaces élevés, et she-mé hasshamayim (les cieux
des cieux) seraient les espaces infiniment élevés, ou l'immensité
avec tout ce qu'elle contient, et par conséquent cette multitude
innombrable d'étoiles ou de mondes, qui feraient ainsi partie de la
première création, indiquée Gen 4, 1, et que le v. 46 ne fait que
rappeler en passant, en parlant du moment où le soleil devint
lumineux pour la terre.
Le fameux passage de saint Pierre, 3, 5-13, qui résume en quelques
mots les destinées de notre planète, autorise la différente
interprétation du mot cieux dans les versets 4 et 8, et montre que
le ciel du deuxième jour, c'est-à-dire l'atmosphère, suit le sort
de notre globe et de ses révolutions. Il est évident, en effet, que
les cieux antédiluviens qui ont été détruits, ne comprenaient pas
les astres, car alors le soleil, la lune, et les étoiles qui
existaient avant le déluge auraient aussi péri; la future
destruction par le feu, des cieux et de la terre d'à présent, n'est
donc pas non plus une catastrophe qui doive envelopper tout
l'univers, mais seulement une grande révolution qui doit changer
l'état et l'apparence de notre globe; un feu purifiant qui le
nettoiera de sa souillure comme l'or fondu dans le creuset est dégagé
par le feu des matières impures qui le ternissent; révolution après
laquelle le monde et ses habitants seront rétablis dans l'état de
pureté et d'innocence, d'où le péché d'Adam les avait fait
déchoir.
L'interprétation que nous venons de donner du v. 4 semble confirmée
aussi par l'expression remarquable qui termine le v. 3 du deuxième
chapitre: ''Dieu se reposa de toute l'œuvre qu'il avait créée pour
être faite.'' — Ne semble-t-il pas que ce passage est un de ceux
dans lesquels le Tout-Puissant soulève à nos yeux un coin du voile
qui nous cache la profondeur de ses conseils ? Ne semble-t-il pas
nous dire qu'il avait de longue main préparé une demeure aux
hommes, qu'il avait créé cette terre dans les jours d'autrefois
pour être faite, c'est-à-dire pour être façonnée plus tard, de
manière à ce qu'elle pût être habitée par des créatures dans
lesquelles il voulait mettre son plaisir? Prov. 8, 31
Il fit toutes ces choses par degrés, ajoutant une bonne chose à une
autre bonne chose, jusqu'à ce qu'il jugeât que tout était très
bon, Gen 1, 31, afin d'y rendre heureux des êtres formés à son
image, à qui il voulait remettre la domination sur toutes les
merveilles qu'il venait d'appeler à l'existence.
Quand il ne nous resterait d'autre partie de la révélation que les
premiers chapitres de la Genèse, n'aurions-nous pas là une preuve
éclatante de la bonté infinie de notre Créateur et du soin
paternel que sa Providence prend des hommes ? Oui, cet Etre tout
puissant qui s'occupait de notre bonheur, tant de siècles avant
l'existence de notre race, ne peut pas nous avoir délaissés, et si
le mal est entré dans le monde, et a gâté cette terre très bonne
où Dieu avait placé Adam, soyons sûrs que celui qui a mis tant de
soin à nous former pour le bonheur, aura aussi mis à notre portée
un remède à nos maux, un moyen de relèvement après notre chute,
un sauveur enfin assez puissant pour empêcher que cette terre et ses
habitants qui étaient sortis très bons de la main de Dieu, ne
continuent à être entraînés à jamais dans le chemin du mal.
Mais pour cela, il faut qu'une création nouvelle s'opère en nous,
et que cette parole divine par qui et pour qui toutes choses ont été
faites, renouvelle en nous l'image de Dieu que le péché a détruite,
1Cor 45, 4749 2 Cor. 5,17 Eph. 4,24
v. 2 ''Et la terre était sans forme et vide; les ténèbres étaient
sur la face de l'abîme, et l'Esprit de Dieu se mouvait sur les eaux.
> — (Le mot abîme semble être synonyme des eaux sur lesquelles
se mouvait l'Esprit de Dieu; v. Job 38, 30 Ps. 42, 8104, 6 Jonas 2, 6
sq.)
Si le v. 1 se rapporte à la première création de toutes choses,
dont rien ne peut nous faire même deviner l'époque, il se peut que
des millions d'années se soient écoulées entre ce moment et la
création de la lumière sur notre terre. (Dans la Bible de Luther,
imprimée à Wittenberg, en 1557, on trouve le chiffre 1 marqué en
tète du v. 3, comme étant le commencement de l'histoire de la
création. Dans d'anciennes éditions anglaises où la division en
versets n'était pas encore adoptée, il y a un double interligne
entre les v. 2 et 3 Pusey.)
Le v. 2 décrit l'état du globe immédiatement avant le commencement
du premier des six jours, c'est-à-dire sur le soir du premier jour;
car, suivant la compu-tation mosaïque, chaque jour commence avec le
soir, et durejusqu'au soir du jour suivant. Le premier jour serait
donc la fin de la période indéfinie de la première existence du
monde. Dans ce v. 2 il est fait une mention spéciale de la terre et
des eaux comme existant déjà, mais enveloppées de ténèbres. Les
mots thohouvabo-hou décrivent cet état de confusion et de vacuité
que les Grecs représentent par le mot Chaos. Ils sont encore
employés dans le même sens, (Isa 34,11 Ps. 107, 40
Le mot vide, de nos traductions françaises, ne rend pas très'bien
la signification, car il donne l'idée d'un corps creux, tandis
qu'ici il faudrait exprimer un vide extérieur: la terre était vide
d'habitants, vide de parure, aride et dépouillée. D'où provenait
cet état chaotique ? Etait-ce ainsi que la terre était sortie des
mains du Créateur ? Etaient-ce les ruines d'un monde antérieur?
Nous l'ignorons; peut-être Dieu avait-il dit d'un ordre de choses
plus ancien ce qu'il dit plus tard du monde moderne, par la bouche de
son prophète, .1er. 4, 23 sq.: ''La terre sera dans le deuil, les
cieux seront noirs au-dessus;... j'ai regardé la terre, et voici.
elle est sans forme et vide, etc.''
Ne semble-t-il pas que l'Esprit saint ait voulu nous représenter par
ces paroles une effrayante révolution de notre globe dont le chaos
aurait été le résultat P S'il était permis de traduire en langage
non inspiré les paroles de l'écrivain sacré, nous croirions
pouvoir paraphraser ainsi les premiers versets de la Genèse: Toutes
les choses que nous voyons et dont nous pouvons connaître
l'existence, soit sur la terre que nous habitons, soit au-delà,
doivent leur être à un Dieu souverainement bon, sage et puissant,
qui a fait sortir la matière du néant, dans des temps infiniment
reculés et dont la date nous est inconnue. Ce Dieu tout bon jugea à
propos de créer une race d'êtres intelligents auxquels il donna le
nom d'hommes, et voulant leur préparer une demeure, il choisit pour
cela un de ces globes qu'il avait faits pour se mouvoir dans
l'espace, et qui était alors inculte et désert, recouvert de
liquide et d'obscurité. Le moment où l'Esprit de Dieu s'en
rapprocha et plana, pour ainsi dire, à sa surface, pour y faire
pénétrer l'ordre et la vie, fut pour le globe le commencement d'une
création nouvelle qui devait avoir six degrés, ou se faire en six
époques de progrès successifs.
''Tout était prêt pour cette nouvelle création, la matière à
laquelle une autre forme devait être donnée, l'Esprit divin qui
devait la vivifier; il ne fallait plus que la parole du commandement
pour appeler à l'existence ce monde nouveau; et Dieu dit...que la
lumière soit, et l'ordre naquit au milieu de la confusion.''
Ainsi, nous voyons apparaître dès la fondation du monde cette
Trinité dans l'unité de Dieu: ''Le Père qui habite une lumière
inaccessible et que nul œil n'a vu ni ne peut voir», 1 Tim. 6, 16
cf. Rev 1S, 3 Ps. 18, 29 36, 10 ''le Fils, qui est la véritable
lumière qui a resplendi dans les ténèbres et qui éclaire tout
homme en venant au monde,'' Jean 1,9 cf. v. 2 Col. 1,16 Eph. 3, 9;
''enfin l'Esprit de Dieu planant sur la face des eaux, pénétrant le
globe d'une force vitale, et qui nous est représenté comme
présidant à la création et y prenant la part la plus directe'',
Ps. 33,6 cf. Gen.2,1 Ps.104, 29 30 Jean 20,22 Gen 2, 7 cf. Job33, i.
( La Bible de Genève, éd. de 180S, ainsi que celle qui a été
publiée plus récemment par les pasteurs et professeurs de cette
ville, traduit au v. 2: ''Et Dieu fit souffler un vent qui agita la
surface de l'eau.'' Mais si le mot rouach peut, en effet, signifier
esprit ou vent, selon la place où il est employé, comme le grec
wveû/iaet le latin spiritus, est-il raisonnable de le traduire par
vent, lorsque Dieu n'avait pas encore créé l'air ? Autant vaudrait,
par exemple, remplacer Esprit par courant d'air dans des passages
tels que celui-ci: ''Caches-tu ta face, elles ( les créatures) sont
troublées; retires-tu leur souffle, elles défaillent et retournent
en leur poudre. Mais si tu renvoyés ton courant d'air (Esprit) elles
sont créées de nouveau !'' Ps. 104, 29 30 cf. enc. Job 26,13) Et
afin de montrer évidemment que ces trois personnes ne sont pas trois
Dieux, mais un seul Dieu, manifesté de trois manières, l'écrivain
sacré qui se sert pour désigner le Créateur du mot Elohim,
Seigneurs, fait suivre cette désignation plurielle d'un temps de
verbe au singulier, comme s'il y avait Dieux dit que la lumière
soit; Dieux vit que cela était bon. Puis, après nous avoir montré
les personnes divines conférant ensemble (v. 26 faisons l'homme à
notre image) il lui donne (2, 4 ) le nom incommunicable et singulier
de Jéhovah, joint à celui d'Elo-him, Seigneurs, qui est, qui était
et qui sera, ou Seigneurs Eternel.
Durée des jours de la création. Pendant longtemps, personne dans
les pays où le christianisme était professé, ne mit en doute que
les jours de la création ne dussent s'entendre à la lettre
d'espaces de vingt-quatre heures, mais à mesure que l'on étudia
plus attentivement les sciences naturelles, on trouva des preuves de
l'existence d'un ordre de choses antérieur à la création de
l'homme, ordre de choses qui avait dû continuer pendant des temps
fort longs; l'on se hâta de rejeter alors le récit de Moïse et ses
six jours, comme une chose absurde et contraire aux lois de la
nature. Puis vinrent d'autres naturalistes plus religieux, qui
comprirent que l'homme ne pouvait ainsi li-miter la puissance de
Dieu, et Que celui qui avait fait le temps pouvait créer un monde
non seulement en six mille ans, mais en six ans, en six jours, en six
minutes, en un clin d'œil, s'il l'eût voulu; il leur parut que sans
nier les découvertes des sciences naturelles, l'on pouvait fort bien
les concilier avec le récit mo-
saïque, en supposant que toutes les plantes et animaux fossiles
étaient les restes d'un monde antérieur au v. 3 de la Genèse,
détruit nous ne savons à quelle époque, ni pour quelle cause, et
que Dieu établit réellement l'ordre de choses actuel en six jours
de vingt-quatre heures. Mais cette hypothèse, quelque plausible
qu'elle paraisse au premier abord, n'explique pas suffisamment
comment il se fait, par exemple, que l'ordre des animaux fossiles,
selon leurs couches, se rapporte si bien à ce que nous enseigne la
Genèse sur l'ordre de leur formation; l'examen de leurs yeux, même
de ceux des plus anciens, comme, par exemple, des Trilobites, dans
les terrains de transition (Buckland's vol. I. p. 396) prouve que ces
animaux ont vécu dans une lumière semblable à celle qui nous sert
à distinguer les objets, une lumière solaire en un mot, et qu'ils
ont été créés après que Dieu avait établi cet astre pour
éclairer notre globe, ainsi qu'il est dit aux versets 14 à 18 On
reconnut aussi que la Bible elle-même donne aux mots qui désignent
les divisions du temps, comme jour, semaine, des sens divers et plus
ou moins étendus, (v. (Isa 34, 8 Eze 4, 6 Dan 9, 241 Cor. 3, 13 5, 5
2 Pierre 3,10, etc.) et l'on en vint à traduire les six jours de la
création par six époques. C'est à cette opinion que se sont
arrêtés presque tous les théologiens et les géologues les plus
distingués de notre temps; pour eux les jours de la création ne
sont pas des jours solaires comme ceux d'à-présent, mais des
époques cosmogoniques d'une longue durée, des temps de progression
et de formation alternant avec des temps de trouble et de révolutions
telluriques. Sans énoncer une opinion positive sur ce sujet, nous
devons convenir que les probabilités sont en faveur de l'opinion
qu'il s'agit non d'espaces de vingt-quatre heures, mais de périodes
considérables, de mille ans peut-être; en effet, il est remarquable
que dans les deux passages de la Bible où il est dit qu'aux yeux de
Dieu, mille ans sont comme un jour, et un jour comme mille ans, cette
déclaration de l'Esprit saint se trouve placée en relation directe
avec les événements de la Création, et avec ce jour du Seigneur
qui, comme le dit saint Jean, doit durer mille ans, cf. Ps. 90, 2 4,
avec 2 Pierre, 3, 5-10 et Àpoc. 20,.
Les plus anciens livres des nations prennent aussi, comme la Bible,
dans des sens plus ou moins étendus les mots qui désignent les
divisions du temps.
Plutarque dit que les Egyptiens, voulant prétendre à une plus haute
antiquité que les autres peuples de la terre, comptaient dans leur
chronologie chaque mois pour une année. Les calculs des Indiens et
des Chinois ont des bases tout à fait semblables; (u.Doct.Nares, Man
consi-dered theologically and geologically, p. 192)
Zoroastre, en parlant de la création, dit qu'elle se fit en six
époques ou temps inégaux, distribués de la manière suivante: Le
premier temps fut employé à créer le ciel, ce qui prit 45 jours;
dans le deuxième temps, qui dura 60 jours, Dieu créa les eaux; la
terre fut créée dans le troisième, qui fut de 75 jours; le
quatrième, de 30 jours, vit éclore les plantes; le cinquième, de
80jours, tous les animaux; et le sixième, de 15 jours, fut consacré
à la création de l'homme. La somme de ces nombres est 365 jours ou
une année, (Hyde. De religione veterum Persarum, Cap. 9). On
reconnaît dans cette narration le récit de la Genèse défiguré,
et combiné avec l'idée traditionnelle de la longueur considérable
des jours de la création, tradition qui existait déjà, à ce que
l'on prétend, chez les Juifs, et aussi chez les Etrusques (F. de
Rougemont, Fragments, etc.)
Quelques auteurs ont cru en trouver une preuve implicite dans le
langage même du texte, et de même que la forme parti-cipale du
verbe qui exprime l'action de la force créatrice, l'esprit de Dieu,
se mouvant sur la surface de l'abîme, indique non un acte subit et
momentané, mais une force s'exerçant d'une manière continue (
Doct. Wiseman, Lectures on Science and revealed Religion, vol. 1, p.
295) ainsi l'on a cru reconnaître dans ces six jours non seulement
une suite de perfectionnements, mais aussi des intervalles de
révolutions et de bouleversements dont 'idée serait renfermée dans
la signification la plus étendue du mot Ereb, soir. Le premier chap.
de l'Ecclésiaste et le Ps. 104 (en particulier les versets 29 et 30)
avaient fait pressentir la possibilité d'une semblable progression
dont diverses traditions fort anciennes contiennent des traces
remarquables. — La cosmogonie indienne qui se rapproche beaucoup de
la Bible, parle ''d'un grand nombre de créations et de destructions
de mondes, provenant de la volonté d'un Etre suprême qui ne le fait
que dans le but de rendre ses créatures heureuses.'' (Institues of
Hindu Law. London, 1823, ch. 1) Nous ne pouvons nous empêcher de
transcrire ici deux passages très remarquables de ce livre, cités
par Lyell, Priuciples of Geology, vol. 1 ch. 2, avec l'indication des
textes bibliques correspondants: ''L'Etre dont la puissance est
incompréhensible, m'ayantcréé, moi(Menou) et tout cet univers, fut
de nouveau absorbé dans l'Etre suprême, faisant succéder au temps
de l'énergie l'heure du repos.'' Cf. Uéb. 1, 3 10 4, 4 Jean 17, 5
—Et plus loin: ''Quand cette puissance agit', alors ce monde reçoit
son plein développement; quand il sommeille, tout le système
déchoit. Car pendant qu'il se repose, ou cesse d'agir, les esprits
revêtus de formes matérielles, et doués de principes d'action, se
détournent peu à peu de leur tâche, et l'intelligence elle-même
devient inerte.'' Cf. Ps. 104, 27-30)
Telle est aussi la tradition des Birmans, et celle des anciens
Egyptiens; on la retrouva même dans les ouvrages de quelques Pères
de l'Eglise, saint Augustin, Orat. II, saint Basile Hexaëmeron, hom.
2
Les découvertes récentes de la géologie sont venues, bien des
siècles après, éclaircir cette hypothèse, et la confirmer à ce
qu'il semble. Cuvier, dans son Discours sur les révolutions de la
surface du globe, établit par des preuves irrécusables, que ces
révolutions ont été nombreuses, subites, antérieures à
l'apparition de l'homme sur la terre, et même qu'il y en a eu
d'antérieures à l'existence d'êtres vivants quelconques.
''L'histoire des six jours, ainsi que celle de l'humanité, a ses
puits cosmogoniques, dont la première est le chaos, et dont le
caractère est la mort, le désordre, les ténèbres; par une
concordance imprévue et inexplicable, les géologues d'une part,
Moïse de l'autre, admettent un développement ou une création de la
terre tout à fait extraordinaire, qui s'opère par une alternative
de temps d'ordre et de création, de temps de désordre et de
destruction.
''La géologie ne fait ici que préciser, expliquer, commenter le
texte biblique, qui accepte en plein tous ces résultats de la
science.
''Les soirs (Ereb) sont donc les temps de désordre; le premier soir
n'est autre chose que le chaos lui-même; les suivants sont des
invasions du chaos au milieu de l'œuvre lumineuse de Dieu. Les
matins sont des temps d'ordre, de vie, de création. L'œuvre de Dieu
pendant les six jours consiste à former la terre dévastée, et la
dégager du chaos, de l'abîme et des ténèbres qui disparaissent
successivement.
''Ainsi les eaux de l'abîme, 1, 2, qui recouvraient au deuxième
jour encore la terre entière, en partagent au troisième la surface
avec les continents, et elles n'existeront plus sur la terre
nouvelle, Rev 21,1 Ainsi les ténèbres, éclairées dès le premier
jour par la lumière, sont transformées en soirs cosmogoniques, et
au quatrième jour en nuits de douze heures. Les soirs cosmogoniques
précèdent chacun des six jours, et cessent avant la création de
l'homme, aucun ne s'interpose entre le sixième jour et celui du
repos, et la dernière des grandes époques de désordre est celle
qui sépare le cinquième jour du sixième. L'alternative des jours
et des nuits de vingt-quatre heures cessera à la fin des temps, et
la terre sera éclairée par une lumière continue, Zac 14, 7 Rev 21,
23 C'est ainsi que les complètes ténèbres du chaos se transforment
peu à peu en complète lumière.
''Le premier chap. de la Genèse est une vision des temps antérieurs
à l'homme, et doit s'expliquer d'après les mêmes principes que les
prophéties.
''En comparant l'œuvre de Dieu dans la réorganisation du chaos et
dans la création du monde, à celle de Dieu dans le cœur des
fidèles et dans l'Eglise, selon l'indication que nous en donne saint
Paul, 2 Cor. 4, 6, on remarque bientôt que les six jours
cosmogoniques sont une espèce de prophétie de l'histoire de
l'humanité, ou, en d'autres termes, que les faits physiques de
l'histoire de la terre ont un sens analogue aux faits moraux de
l'histoire de l'homme. Ainsi les ténèbres du chaos se reproduisent
dans les ténèbres morales de l'âme déchue et pécheresse; les
nuits cosmogoniques dans les époques historiques de corruption et de
ruines; les jours cosmogoniques, dans celles de paix, d'ordre et de
vie religieuse; la formation du soleil au quatrième jour, dans
l'apparition du soleil de justice vers l'an 4,000, etc.» (Rougemont,
Fragments, etc., p. 8)
Avant de nous oecupper spécialement de l'œuvre de chacun des six
jours de la création, nous devons indiquer une autre partie de
l'Ecriture qui nous en donne un commentaire remarquable: nous voulons
parler des chapitres 38 à 41 du livre de Job Ce n'est pas ici le
lieu d'examiner en détail cette portion sublime et mystérieuse de
la Parole, nous nous bornerons à quelques versets du chap. 38 En
interrogeant Job sur les merveilles de l'univers, l'Eternel
condescend jusqu'à raisonner avec sa créature; il lui montre que la
souveraine sagesse qui a présidé à l'arrangement de la terre, des
cieux et de tout ce qui s'y trouve, préside également aux
événements de la vie des hommes, et que par sa direction, toutes
choses concourent ensemble au bien de ceux qui aiment Dieu, Rom. 8,
28 Mais, outre ce but principal d'instruction, nous trouvons encore
des allusions à l'histoire de la création, qui peuvent éclaircir
pour nous quelques passages du Ier chap. de la Genèse.
En effet, nous croyons voir, dans le verset 4, une indication de
cette création primitive qui eut lieu au commencement, Gen 1,1; puis
au verset 7, nous voyons les intelligences célestes se réjouissant
de l'ordre et de l'arrangement que Dieu venait d'y établir, v. 5 et
6, et chantant en triomphe à cause de cette nouvelle manifestation
de la puissance de Dieu, v. 7 Mais une au moins de ces étoiles du
matin (Lucifer) était déjà tombée, peut-être même plusieurs, et
le mal vint bientôt gâter l'œuvre du Créateur. 11 semble qu'une
irruption des eaux troubla l'ordre nouvellement établi, v. 8, et ce
fut alors que Dieu donna â l'abîme la nuée pour couverture et
l'obscurité pour ses langes, v. 9; peut-être les ténèbres furent
elles ordonnées alors comme punition et comme demeure des anges
déchus, par opposition à la lumière éternelle, qui est
représentée comme l'habitation de Dieu, Jean 3, 19-21 Eph. 6, 12
C'est à ce moment-là que semble se rapporter le premier soir de la
création; c'est là le chaos décrit au deuxième verset de la
Genèse, et dont Dieu va tirer la terre par six époques de
progression, six jours. Le verset 10 semble indiquer l'action de Dieu
par laquelle il opère la séparation des eaux inférieures et
supérieures, et le verset 11 correspondrait au verset 9 de la Genèse
où Dieu fixe à la mer la place qu'elle doit occuper. Les versets
8-11 pourraient, il est vrai, se rapporter à quelques égards au
déluge du temps de Noé; mais ce qui nous fait préférer l'autre
interprétation, c'est que le verset 9 semble nous indiquer que le
cataclysme dont il est parlé au verset 8 doit avoir été antérieur
au chaos, et que l'obscurité et le désordre du chaos en auraient
été le résultat. — Au verset 12 nous voyons paraître la
lumière, mais non comme lumière solaire: c'est l'aube du jour, le
pas du jour, ou la lumière éclairant simultanément tous les points
de la terre, v. 13, et faisant fuir de partout les ténèbres et les
esprits de ténèbres. Puis plus tard, v. 14. cette lumière prend
une nouvelle forme et se concentre pour ainsi dire dans une apparence
ou un moule matériel, le soleil. (Le verset 14 n'est pas bien rendu
dans Ostervald: il a ajouté les mots la terre, qui ne se trouvent ni
dans l'hébreu, ni dans plusieurs autres versions. Le verbe
thitehapphek qui commence le verset 14, se rapporte d'ailleurs mieux
au substantif masculin shachar, l'aube du jour, v. 12, qu'au
substantif commun, mais ordinairement féminin érèts, la terre. .
Premier jour. Nous avons déjà remarqué que dans le calcul de
chaque jour cosmogonique le soir précède le matin: le soir du
premier jour fut donc l'obscurité qui le précéda, c'est-à-dire le
chaos. ''Dans ce moment là,'' dit Buckland, ''une nouvelle ère
allait commencer pour le monde, et la terre allait être tirée des
ténèbres dans lesquelles elle n'avait peut-être été enveloppée
que temporairement: car les mots, ''que la lumière soit,'' ne
signifient pas implicitementqu'elle n'eût jamais existé
précédemment.
Il était étranger au plan de Moïse de rechercher si la lumière
avait déjà lui sur cette terre, ou si elle existait dans d'autres
parties de l'univers; la narration ne s'occupe que de notre planète,
et la prend dans un moment où elle était plongée dans l'obscurité.
Le premier effet de l'action de l'Esprit sur le chaos fut donc
l'éveil de la lumière, qui brilla dans le sein même de la masse
informe dont elle fut séparée, Ps. 104, 5 6 Job 36, 30 ''Dans
toutes les cosmo-gonies païennes qui parlent d'un chaos, dit M. de
Rougemont, les ténèbres, la nuit, sont l'état primitif, la lumière
apparaît ensuite, et plus tard les astres. Moïse, sans aucun doute,
n'entendait pas que la lumière provînt du soleil déjà créé,
mais encore voilé à la terre par les nuages; de concert avec toute
l'antiquité, il faisait la lumière plus ancienne que les astres.”—
En effet, il n'y avait pas alors de nuages, puisque les eaux
supérieures n'avaient pas encore été séparées des eaux
inférieures. Asaph en parle de même, lorsqu'il dit, Ps. 74,16: ''Tu
as établi la lumière et le soleil.'' Dans plusieurs autres endroits
de la Bible, elle est également représentée comme existant avant
le monde, et comme étant la demeure de l'Eternel, l'image même de
son essence, 1 Tim. 6, 16 2 Cor. 4, 6 Ps. 104, 2 (Isa 60,19 Hab. 3, 4
Jean 1,4 9 8, 912, 36 461 Jean 1,5, etc.
Les philosophes incrédules du siècle dernier, voulant attaquer
l'inspiration du récit sacré, ont tourné Moïse en ridicule pour
avoir parlé de la lumière comme existant avant le soleil: les
découvertes modernes de l'optique dont Moïse n'a pu avoir aucune
connaissance, sont venues justifier l'inspiration de l'écrivain
sacré, en prouvant que la lumière est un fluide qui pénètre
d'autres corps, et qui existe indépendamment des corps lumineux.
Ceux-ci ne la rayonnent ou ne l'émettent pas par une sorte
d'émanation, comme on l'a cru longtemps: ils ne font que la mettre
en mouvement par ondulations, en telle sorte qu'elle frappe les
organes de la vue de la même manière que les vi-brations de l'air
communiquent le son à ceux de l'ouïe. Par conséquent, il n'y a
rien de contraire aux loix physiques de la nature dans l'assertion de
Moïse, qui nous représente la lumière comme créée avant tel ou
tel corps lumineux.
L'œuvre du premier jour fut, comme nous l'avons remarqué, une œuvre
de séparation. Dieu sépara la lumière d'avec les ténèbres, et
Dieu vit que la lumière était bonne; elle fut donnée non seulement
pour éclairer les hommes d'une manière physique, mais aussi pour
leur être un type de la sagesse, de la connaissance et des
perfections invisibles de Dieu. Nous voyons en effet qu'elle fut
ainsi considérée par les Juifs, et que même chez tous les peuples,
et surtout en Orient, elle a toujours été l'emblème de la
divinité, de la vertu et de toutes les bénédictions temporelles.
Second jour. Au second jour Dieu fit l'étendue (rakiah) non pas une
voûte ferme et solide, firmamentum, comme le traduit saint Jérôme.
(Il dit aussi dans sa traduction de Job 37, 18: Tu forsitan cum eo
fabricatus es cœlos qui solidissi-mi quasi aère fusi sunt ? ); mais
l'air, le ciel des oiseaux, des tempêtes, des puissances de l'air et
des malices spirituelles, Ps. 148, 4 Matfh. 6, 26 Eph. 2, 2 6,12;
l'atmosphère dans laquelle et au haut de laquelle devaient planer
les nuages; l'élément enfin qui devait soutenir un nombre immense
de créatures que Dieu allait placer sur la terre, et dans lesquelles
il mettrait une respiration de vie. • Quand l'Ecriture sainte parle
de l'air, dont la pesanteur était méconnue avant Galilée, elle
nous dit qu'à la création Dieu donna à l'air son poids et aux eaux
leur juste mesure, Job 28, 23 Quand elle parle de notre atmosphère
et des eaux supérieures, elle leur donne une importance que la
science des modernes a seule pu constater, puisque d'après leurs
calculs la force employée annuellement par la nature pour la
formation des nuages, est égal à un travail que l'espèce humaine
tout entière ne pourrait faire qu'en deux cent mille années. Quand
elle sépare les eaux supérieures des inférieures, c'est par une
étendue et non par une sphère solide, comme voulaient le faire ses
traducteurs.» (Gaussen, Théopneustie, 176, 483)
Troisième jour. Au troisième jour la création se développe, pour
ainsi dire; dans les deux premiers, il y avait eu principalement
création de séparation ou de distinction: dans celui-ci il y a deux
actes créatifs, l'un de séparation, l'autre de formation. Dans la
première partie de cette période, Dieu tire de l'eau la terre qui
subsistait parmi l'eau. Il fait surgir les continents et les îles;
il forme la terre habitable et tout ce qu'elle contient, Neh 9, 6 Le
Dieu qui a formé la terre et qui l'a faite, ne l'a pas créée pour
être une chose vaine (le même mot thohou rendu par sans forme dans
nos versions, Gen 1,2) mais il l'a créée afin qu'elle fût habitée,
(Isa 45, 18
Le neuvième verset de la Genèse indique l'existence antérieure de
cette ancienne mer et de cette ancienne terre, en disant simplement,
non qu'elles furent créées alors, mais que le sec parut, et cette
terre qui, avant de paraître, subsistait déjà parmi l'eau, est la
même dont la création avait été racontée au verset 1 La mer
aussi ne fit que changer de place par le rassemblement en un même
bassin des eaux déjà existantes.
La terre au troisième jour n'est pas encore éclairée par le
soleil; elle a sa lumière propre dont nous ne connaissons pas bien
la nature, mais qui établit une distinction essentielle entre la
terre pho-tosphérique des trois premiers jours et la terre
planétaire des trois derniers. C'est sous l'action de cette lumière
propre que parurent les végétaux pendant la deuxième partie du
troisième jour: alors la terre produisit d'elle-même premièrement
l'herbe, ensuite l'épi, puis le grain tout formé dans l'épi, Marc
4,28 Nous ne savons si ce serait par un souvenir traditionnel de la
plus grande activité créatrice déployée au troisième jour, que
les livres zends lui donnent une durée beaucoup plus longue qu'aux
deux premiers.
Jusqu'à une époque très récente, la géologie n'avait pas
découvert de traces des plantes qui furent créées au troisième
jour; tous les végétaux fossiles connus se trouvaient dans des
couches placées au-dessus des terrains de transition où sont
incrustés d'innombrables animaux aquatiques, les premiers êtres
vivants qui habitèrent notre terre. (Le système carbonifère qui
comprend les bancs de houille, et dans lequel on trouve des fougères,
des palmiers, des conifères, est placé par-dessus la grauwacke ou
système silurien, qui contient un nombre immense de zoophytes, et de
mollusques, des articulés et des poissons. ) M. de Rougemont,
surpris de ce manque appa-rent de coïncidence entre le livre de la
révélation et le livre de la nature, supposa que la nuit
cosmogonique qui avait séparé le troisième du quatrième jour, ou
le quatrième du cinquième, pourrait avoir été accompagnée d'une
conflagration de notre globe qui aurait détruit la végétation
primitive dans le temps où la terre devenait planète. Cette
hypothèse, qui coïncide assez bien avec celle qui fait des soirs
cosmogoniques des époques de bouleversement, semblait confirmée par
les découvertes géologiques sur la nature des roches primitives;
les granits et les gneiss qui forment la couche inférieure de la
croûte de notre globe, ne sont pas, comme les schistes et les
calcaires, le résultat d'un sédiment boueux déposé par les eaux,
puis durci peu à peu par la pression, la chaleur et l'évapora-tion:
ils paraissent, au contraire, avoir été formés par le feu dont ils
portent les traces, ou en avoir subi l'action. ''Une telle
conflagration de la terre pholosphé-rique pendant que le système
solaire était organisé, a naturellement dû faire disparaître
toutes les plantes du troisième jour. Mais la Genèse ne fait pas
mention de cette révolution par le feu, parce que le pas capital de
l'œuvre du quatrième jour était la formation du système solaire.
''Toutefois, ajoute notre auteur, je suis le premier a reconnaître
combien sont hypothétiques tous les rapprochements de détail entre
la Bible et la géologie, relatifs aux époques antérieures à
l'homme.'' (Fragments, p. 141).
Malgré le profond respect que nous éprouvons pour les lumières et
la piété de cet écrivain, nous nous permettons de différer un peu
de ses vues sur ce pas; son hypothèse d'une conflagration ne nous
paraît pas nécessaire pour expliquer la disparition de la flore
primitive. Nous avons, en effet, remarqué que dans la création et
dans l'histoire de la terre, depuis le commencement jusqu'au moment
où Jésus remettra le royaume à Dieu le Père, 1Cor 13, 24, il y a
progrès et développement successif; depuis la terre entièrement
couverte d'eau pendant le chaos, jusqu'à l'entière destruction de
la mer, Rev 21,1, le globe passe par un état intermédiaire, sa
surface étant composée en partie d'eau, en partie de terres sèches.
Si donc nous admettons une marche progressive, interrompue par une
succession de bouleversements (les soirs cosmogoniques ) il n'y a
rien de contraire à l'analogie des lois de la création, à supposer
que les premiers continents auront été beaucoup moins étendus que
ceux qui existent actuellement: par conséquent la flore primitive
qui a végété sur ces premiers continents, n'aurait occupé qu'un
espace proportionnellement très petit de la surface du globe, et
pourrait se retrouver dans des terrains actuellement submergés. Mais
il y a plus: les géologues n'ont examiné jusqu'à ce jour qu'une
bien faible portion de la superficie de la croûte solide du globe,
et de ce qu'on n'a pas trouvé jusqu'à présent en Europe (la seule
partie du monde où l'on ait pu faire sur les fossiles des recherches
un peu générales) des restes des premiers végétaux, il ne
s'ensuit pas qu'on ne puisse le découvrir un jour ailleurs. Il
paraît même qu'on commence à en retrouver les traces, et que les
immenses végétaux fossiles récemment découverts dans le Canada et
la baie de Baffin, doiventavoir crû sous des conditions de chaleur,
d'humidité et de lumière, qui n'étaient pas celles où vivent
actuellement nos plantes. L'état de la terre, sortant à peine de
l'eau et environnée de sa lumière propre, tel qu'il est décrit Gen
1,9-12, explique la croissance de ces plantes d'une manière bien
plus satisfaisante que toutes les autres hypothèses.
II n'est pas nécessaire non plus de recourir à une conflagration
pour expliquer la formation des roches primitives. Presque tous les
chimistes, les physiciens, les géologues et les géographes
modernes, reconnaissent que la terre doit être composée d'un noyau
de métaux et de métalloïdes en incandescence, entouré d'une
croûte des mêmes substances àl'état d'oxi-des diversement
combinés entre eux. Le savant Fourier a déterminé les lois du
refroidissement graduel du globe et de sa couche extérieure, et les
expériences nombreuses et intéressantes de M. Cor-dier (Essai sur
la température de l'intérieur de la terre, dans le Mémoire du
Muséum d'histoire naturelle, 1827) sont venues pleinement confirmer
la justesse des observations de Fourier sur l'existence d'un feu ou
d'une source de chaleur centrale. Ce système qui explique et la
forme sphéroïdale de la terre, et l'action des volcans, et la
chaleur des eaux thermales, et bien d'autres phénomènes encore,
explique aussi comment la première croûte solide de notre globe
(les roches primitives) doit porter des marques de l'action du feu,
comment une température jadis beaucoup plus élevée, peut avoir
donné à la terre une force végétative bien plus considérable que
celle que nous lui connaissons maintenant, et comment enfin Dieu peut
s'être servi des forces naturelles de l'eau réduite à l'état de
vapeur, pour soulever en divers endroits de sa surface une portion de
sa croûte solide sous la forme d'îles et de continents, et les
laisser retomber ensuite au-dessous du niveau des eaux.
Quatrième jour. Ici, comme le remarque M. de Rougemont, la
progression dans la création n'est plus la même; il y a un saut,
une interruption. ''De même qu'à la fin du quatrième jour de
l'humanité la lumière divine qui éclairait dès l'origine tous les
hommes, se concentra en un individu, Jésus-Christ, communiqua à
l'humanité des forces inconnues, et par la création de l'Eglise fit
toutes choses nouvelles, ainsi, au quatrième Jour cosmogonique la
lumière diffuse du premier jour se concentra dans le soleil, dont la
chaleur pénétra et transforma la terre devenue planète, et la
prépara à devenir la demeure d'animaux, d'âmes vivantes. Ce fut
alors que le système solaire fut achevé, et que notre terre, en
devenant planète, reçut aussi son satellite.'' Il semhle, en effet,
que les grands luminaires des cieux dont il est parlé versets 14-18,
ne sont nommés que dans leurs nouveaux rapports avec notre planète.
Le texte ne dit pas que la substance du soleil et de la lune ait été
créée le quatrième jour; mais il donne à entendre que ces corps
célestes furent alors chargés de remplir à l'égard de notre globe
des fonctions importantes pour ses futurs habi-tants, de luire sur la
terre, pour dominer sur le jour et sur la nuit, etc. Le fait de leur
création était déjà implicitement contenu dans le verset 1 Il est
aussi fait ici mention des étoiles, 1,16, mais en deux mots
seulement: Viieth haccochabim, presque en façon de parenthèse, et
comme pour indiquer qu'elles avaient été formées par la même
toute-puissance qui avait ordonné au soleil et à la lune de luire
sur notre terre. En passant si légèrement sur la création de ces
innombrables corps célestes qui brillent dans l'espace, et dont la
plupart sont probablement des soleils, centres d'autres systèmes
planétaires, tandis qu'il place la lune, ce petit satellite de notre
terre, comme tenant le second rang après la soleil, l'écrivain
sacré nous montre clairement qu'il n'a pas voulu nous donner une
leçon d'astronomie, et qu'il ne parle ici des astres que dans leurs
rapports immédiats avec notre terre et ses habitants, et non pas eu
égard à leur importance relative dans le vaste système de
l'univers. Il semble impossible de comprendre les étoiles dans le
nombre des luminaires que Dieu plaça dans les cieux pour luire sur
la terre, 1,17, etpourdominer sur le jour et la nuit; car la plus
grande partie des étoiles fixes n'est visible qu'à l'aide d'un
télescope, et celles que nous pouvons discerner à l'œil nu ne
donnent qu'une bien faible lumière en proportion de leur grosseur et
de leur multitude (Buckland's I, p. 27). Il nous paraît donc que le
sens des versets 17 et 18 doit être restreint aux deux corps
célestes, qui sont en réalité les grands luminaires de la terre.
Leur office, en tant que servant à nous éclairer et à mesurer pour
nous les temps et les saisons, doit durer autant que notre terre, Gen
8, 22; et de même que l'arc-en-ciel fut donné à Noé comme un
signe de l'alliance que Dieu traita avec lui et avec toute chair,
avec promesse de ne plus envoyer de déluge sur la terre, et de ne
plus faire périr par les eaux tout ce qui a en soi respiration de
vie, ainsi les grands luminaires des cieux sont proposés aux fidèles
comme signes de l'alliance que Dieu a traitée avec David, en
promettant que de sa postérité sortirait le soleil de justice, le
Messie qui sauverait de la mort seconde les âmes de tous ceux qui
croiraient en lui; cf. Jér. 33, 20 21 Cela ne signifie pas cependant
qu'ils doivent durer à toujours, car lorsque le Messie, fils de
David, viendra s'asseoir sur son trône et régner sur son peuple, la
chose promise étant donnée, ce qui lui servait de type et de signe
sera aboli. La loi s'accomplira jusqu'à ce que le ciel et la terre
passent, Mat S, 18; mais lorsque viendra le jour du courroux de
l'Eternel, il fera crouler les cieux, et la terre sera ébranlée de
sa place (peut-être transportée hors de la place qu'elle occupe
actuellement dans le système solaire ) (Isa 13, 13 cf. encore Agg.
2, 6 2Pier. 3, 10 Rev 6, 12-14 21,pasM'm22,o.(Isa 60, 19 sq. 65, 17
66, 22
Ces passages remarquables, considérés non dans leur but inoral et
prophétique quant à l'humanité et à l'Eglise en particulier, mais
simplement dans leur rapport avec l'histoire de notre terre, semblent
autoriser la supposition que notre globe, transporté au quatrième
jour dans le système solaire, doit lui être enlevé à la fin de
l'économie actuelle, sortir de salem, la seconde venue du Christ, et
la fin du monde ) Mat 24, 3, l'on n'obtiendra de la Parole de Dieu
qu'une réponse aussi peu intelligible que le fut alors pour les
Apôtres ce que leur dit le Seigneur qui leur parle, dans la même
prophétie, de choses qui se rapportaient à ces trois époques
distinctes. Ainsi, pour interpréter ce qui nous estprophétisé sur
les destinées de notre globe, nous devons aussi distinguer avec soin
les divers chefs sous lesquels nous devons les ranger, et apprendre à
reconnaître dans une même prophétie les parties qui doivent avoir
un plus prochain accomplissement et celles qui ont une portée plus
éloignée. Cinquième jour. C'est en ce jour que les premières
créatures vivantes apparurent sur la terre, et c'est aussi à cette
époque de la création seulement que l'on trouve des faits
géologiques nombreux et détaillés, qui concordent avec
l'inter-prétation proposée des jours cosmogo-niques de la Genèse.
Nous ferons remarquer que la division biblique des animaux, lors de
la création, est très différente de la classification des sciences
modernes. Dans la Genèse, les animaux sont distingués d'après les
milieux dans lesquels ils vivent, ou plutôt d'après les substances
sur lesquelles doivent s'exercer leurs forces locomotrices, en
aquatiques, atmosphériques, et ter-restres. Les aquatiques
comprennent les types des quatre grands embranchements, et la
géologie retrouve aussi des vertébrés, des mollusques, des
articulés et des zoophytes existant simultanément dans les couches
fossilifères les plus anciennes. Plusieurs cosmogonies païennes qui
entreprennent de raconter l'ordre de la création, font naître les
oiseaux et les poissons dans deux jours différents; mais les
naturalistes, après avoir pendant long-temps partagé cette opinion,
ont enfin constaté entre ces deiîxclasses d'animaux des rapports
intimes que rien n'indique à l'œil, mais qui se révèlent dans
leur anatomie, et jusque dans la forme microscopique dos globules de
leur sang. Il y a peu d'années encore que les plus anciens oiseaux
ne remontaient qu'aux terrains tertiaires, et les géologues faison
orbite, être soustrait à l'action du soleil et de la lune, et subir
alors une nouvelle révolution par laquelle il atteindra un degré de
perfection et de lumière dont nous ne pouvons nous faire maintenant
aucune idée, mais qui sera en rapport avec les corps glorieux et
incorruptibles dont nous serons revêtus à la résurrection.
La manière dont se suivent les passages relatifs à la catastrophe
qui doit détruire l'ordre actuel, et ceux qui se rapportent à la
destruction finale du globe, ne contribue pas peu à jeter de
l'obscurité sur ce sujet; mais on peut remédier en partie à cette
obscurité en faisant attention aux considérations suivantes.
Dans les prophéties de l'Ancien Testament qui annoncent la venue du
Messie, on voit entremêlées celles qui par-lent de ses types, avec
celles qui l'annoncent lui-même paraissant dans l'abaissement et
l'humiliation, et celles qui décrivent le second et glorieux
avènement du Messie, roi d'Israël, entouré de ses milliers d'anges
et de tout l'éclat de sa puissance. Ces prophéties ne sont pas
rangées chronologiquement, mais elles se pénètrent et
s'entrelacent comme feraient les dessins de plusieurs tableaux
transparents, placés les uns derrière les autres. De même, dans
les parties de l'Ecriture qui annoncent le sort futur de notre terre
et les révolutions qu'elle devra subir, on voit aussi entremêlées,
sans égard à l'ordre des temps, des choses qui se rapportent aux
événements plus rap-prochés, et d'autres qui parlent de
catastrophes plus éloignées; des prédictions relatives au jugement
des nations immédiatement avant la période millénaire, et celles
qui se rapportent au jugement dernier, lors de la consommation de
toutes choses; des prophéties qui décrivent la transformation que
subira le globe lors du millénium, lorsque le bien régnera sur la
terre, et celles qui se rapportent à la destruction finale, à
l'annihilation du globe, annoncée Rev 20,41 Si l'on imite les
disciples qui demandaient dans la même phrase les signes de trois
événements bien différents qu'ils paraissaient confondre (la ruine
de Jéru saient observer combien il était rationnel que les oiseaux
à sang chaud apparussent en même temps que les mammifères à sang
chaud. La géologie contredisait alors la Bible, qui place les
oiseaux, non au sixième jour avec les quadrupèdes, mais au
cinquième avec les poissons.
La contradiction était palpable, insoluble; mais depuis lors, on a
retrouvé des races d'oiseaux, des empreintes de pattes d'échassiers,
dans le grès bigarré, près de ces terrains de transition où la
vie commence par des êtres aquatiques. Ainsi les oiseaux à sang
chaud ont été créés à une époque ou les géologues a priori ne
les auraient jamais fait remonter; à une époque où il n'y avait
pas trace de mammifères terrestres, et où les animaux
aquatiquesprédominaientencoreen plein. Or, comment Moïse a-t-il
encore ici deviné si juste ?—(Rougemont, Fragments, p. 114).
Sixième jour. Ce jour contient aussi deux parties comme le troisième
et le cinquième; les quadrupèdes et les ani-maux terrestres
apparurent sur les continents et les îles qui étaient sortis de
dessous l'eau au troisième; ''et de même que la seconde création
du troisième jour (les végétaux ) avait été la plus parfaite de
la terre photosphérique, ainsi la seconde création du sixième jour
(l'homme) fut la plus parfaite de la terre planétaire.»
Il est probable que Dieu ne créa alors comme pour le cinquième jour
que les types ou genres (nommés espèces dans la Bible) et que ce
que nous appelons maintenant sous-genres, espèces, variétés dans
les animaux, se sont manifestés plus tard par l'action de causes
naturelles subséquentes, ou de dispositions chez des individus qui
se sont développées ensuite et propagées dans la postérité de
ces mêmes individus. (On trouvera des exemples re-marquables de
l'action de ces causes dans l'ouvrage de M. Laurence, Lectures on
Physiology, Zoology and the natural His-tory of Man, en particulier,
p. 448 à 451, sur la propagation d'une race d'hommes porcs-épics. —
v. aussi Lectures on the connexion between science and revealed
Religion, by Dr Wiseman. Lect. III et IV). 11 n'est pas dit si Dieu
fit simultanément plusieurs animaux ou paires d'animaux de chaque
espèce, mais comme une seule famille humaine devait suffire pour
peupler toute la terre, ainsi une seule paire de chaque espèce
d'animaux peut bien avoir aussi suffi pour remplir les bois, les
campagnes, et tous les espaces habitables, dans les eaux et sous les
cieux. II n'y a donc rien de difficile à comprendre dans la revue
que fit Adam de tous les animaux, lorsqu'il leur donna leurs noms; et
lors même qu'il y aurait eu un grand nombre de paires de chaque
espèce, il n'est pas dit que Dieu les fit toutes comparaître devant
le premier homme; tel ne paraît pas du moins devoir être le sens du
mot tout animal, Gen 2,19
Un caractère remarquable de cette époque, c'est l'absence de
férocité; les animaux étaient herbivores, au moins ceux qui
vivaient sur la terre et dans les airs, car il n'est pas parlé des
aquatiques, 1, 30, et cela a fait supposer que les eaux seules, et
peut-être leurs rivages étaient habités en partie par des
carnivores. L'expérience a prouvé qu'il est possible, même de nos
jours, de nourrir de végétaux les animaux les plus carnassiers de
leur nature, comme par exemple le lion; par conséquent ce fait peut
avoir eu lieu d'une manière beaucoup plus générale lors de la
création. C'est en vain qu'on objecterait le peu de probabilité que
des animaux carnassiers se soient contentés avant la chute de
l'homme de manger de l'herbe et des fruits; c'est en vain qu'on
prouverait par la conformation des mâchoires, des dents, des
griffes, de tous les muscles et de toute la charpente osseuse, qu'ils
étaient faits pour saisir une proie et pour la déchirer de leurs
dents ou de leurs becs crochus: si tels étaient leurs appétits
naturels, il n'était cependant pas plus difficile au Créateur de
les restreindre en Eden, que d'empêcher à Babylone les lions
affamés de Nébucadnetsar de suivre leurs féroces penchants, de
mettre en pièces Daniel et de le dévorer. La géologie d'ailleurs
nous montre dans les terrains de l'époque myo-cène, un nombre
proportionnellement très grand des pachydermes et des ruminants;
c'est probablement pendant cette époque géologique que fut créé
le premier homme (Rougemont, Fragments, etc.).
Ici vient une pause dans le récit de l'historien sacré. Après
avoir décrit la manière dont Dieu a peu à peu préparé cette
terre, après l'avoir montrée graduellement revêtue d'un tapis de
verdure et de fleurs, couverte de riches ombrages et d'arbres chargés
de fruits, animée par les chants des oiseaux qui célèbrent dans
les airs la gloire de leur Créateur; après avoir décrit ces
milliers de créatures vivantes, se mouvant dans les eaux et sur la
terre, jouissant de leur nouvelle existence et de la lumière du
soleil. il nous dit que le Créateur de toutes ces merveilles
s'arrêta pour contempler son ouvrage et pour le bénir: et Dieu vit
que tout cela était bon. L'œuvre de la création n'était cependant
pas encore complète; mais avant de placer dans cette magnifique
demeure celui qui devait en avoir la souveraineté, le Tout-Puissant
semble se consulter lui-même, comme pour une chose plus importante,
et pour une création d'un ordre plus relevé que toutes les autres
choses qu'il avait créées pour être faites. Puis Dieu dit: Faisons
l'homme à notre image et à notre ressemblance, et qu'il domine sur
les poissons de la mer, sur les oiseaux des cieux, sur les animaux
domestiques et sur toute la terre, et sur tout.reptile qui rampe sur
la terre. — Jusqu'à présent, le texte hébreu a toujours désigné
la terre par le mot érets; mais dans le verset 25, où il est parlé
des reptiles de la terre, Moïse se sert du mot adamah, qui signifie
terre, en tant que sol, et surtout sol rouge, quoiqu'il soit aussi
pris dans une signification plus étendue; et c'est dans le verset
suivant qu'il dit: Faisons Adam (l'homme) à notre image, Adam étant
mis ici comme nom générique de l'espèce humaine; on dirait que,
par ce changement d'expression, l'auteur sacré cherche à faire
mieux ressortir l'origine à la fois terrestre et céleste de cette
nouvelle créature, rattachant à ce nom symbolique l'idée de sa
faiblesse naturelle et de sa haute vocation, cf. 2 Cor. 4, 7
Ajoutons encore ici que ce nom d'Adam semble indiquer que la couleur
primitive de la race humaine aurait été le rouge, comme on le
retrouve encore chez les races indigènes de l'Amérique; la
tradition des Juifs, des Américains et des habitants des îles de la
mer du Sud a conservé le même souvenir.
L'homme n'ayant trouvé parmi les êtres vivants aucun être qui lui
fût semblable, Dieu lit tomber sur lui un profond sommeil, prit une
de ses côtes, en forma une femme, et la présenta à Adam à son
réveil, 2, 18-22
On a quelquefois prétendu que les ressemblances frappantes qui se
rencontrent dans les cosmogonies des différents peuples, ainsi que
dans celles de leurs traditions qui se rapportent à l'origine du
genre humain, ne pouvaient provenir que de la similarité de l'esprit
humain dans tous les pays, similarité qui, à l'égard de certaines
choses, devait nécessairement conduire partout à un même résultat.
Cette théorie est assez vraie pour tout ce qui est du ressort de la
réflexion et de la méditation; mais quand les traditions ne peuvent
s'expliquer, ni par le raisonnement, ni par l'expérience, il est
clair qu'elles doivent provenir d'une même source, et qu'elles nous
indiquent une commune origine pour les peuples chez qui elles sont
nationales. Qu'ya-t-il, par exemple, dans la forme de la femme, qui
ait jamais pu donner l'idée qu'elle ait été primitivement tirée
de l'homme et formée d'un de ses os? Or, cette tradition se retrouve
chez les peuples les plus éloignés et sans communication les uns
avec les autres. En Chine, la femme du premier homme est ''la fille
de la côte d'Occident,'' et son nom signifie ''la grande aïeule qui
entraîne au mal.'' Les Groënlandais disent que la première femme
fut formée du pouce de l'homme. Les Indiens de l'Esse-quebo
prétendent qu'après que le Grand-Espnt eut créé tous les animaux,
il finit par former un homme qui tomba bientôt dans un profond
sommeil; le Grand-Esprit l'ayant touché, il se réveilla et vit à
ses côtés une femme. Chez les Indiens, H est question d'un premier
homme, Viradj, créé sans femme; puis regardant autour de lui, se
voyant seul, il se plaint de sa solitude, il se divise lui-même en
mâle et femelle et donne naissance à toute la race humaine. Chez
les habitants de la Nouvelle Zélande, le mot Iwi (Eve) signifie os,
et la première femme a été formée, selon eux, du corps de l'homme
et dune de ses côtes. A Tahiti, le Dieu créateur, après avoir fait
le monde, forma l'homme avec de la terre rouge: un jour il plongea
l'homme dans un profond sommeil et en tira un os (/w, ioui) dont il
fit la femme (Rougemont, p. 56).
Mais si les païens eux-mêmes ont conservé d'une manière si
admirable, à travers cinquante-huit siècles, l'histoire de ce
sommeil mystérieux d'Adam, ce n'est qu'à l'Eglise chrétienne que
le sens moral et symbolique de cet événement a été révélé.
Dans ce premier Adam encore sans péché, nous voyons le type de ce
deuxième Adam qui a été fait semblable à nous en toutes choses,
sans péché (grec)Héb. 2, 174,4 5 Ce sommeil, ce côté
entr'ouvert, cette épouse qui en est Urée, nous sont des emblèmes
de la mort de Christ et de son côté percé, de cette mort qui donne
naissance à son Eglise, de cette ''Eglise qu'il s'est acquise par
son sang'' pour en faire son épouse bien-aimée, Act 20, 28 Ce n'est
qu'après la mort de Jésus, que les disciples commencèrent à se
rassembler en son nom sans lui, mais la nouvelle Eglise fut cachée
et n'exista pour ainsi dire qu'en germe et sans développement,
jusqu'à la Pentecôte, v. encore 1Cor 11, 8 9 Eph. 5, 23-32 Si,
confondus par la force de ces images, nous avons peine à croire à
une telle condescendance de notre Dieu; si, considérant nos
faiblesses et nos misères, il nous semble impossible que l'Eglise
puisse être l'objet d'un tel amour, et que nous soyons portés à
demander, comme Nicodème: Comment cela peut-il se faire? Dieu nous
répond par ces glorieuses promesses: ''Christ s'est livré pour son
Eglise, afin qu'il la sanctifiât après l'avoir nettoyée en la
lavant d'eau et par sa parole, pour la faire paraître devant lui une
église glorieuse, n'ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable,
mais étant sainte et irrépréhensible,'' Eph. 3, 25 2627 Col. 1, 1
8 22 cf. 1Cor 1, 30
Après que l'homme eut été formé, la création fut terminée; le
temps naturel commença, et les secousses, ou nuits cos-mogoniques,
cessèrent; aussi ne voyons-nous pas que la Bible en fasse plus
mention; il n'est plus dit ''ainsi fut le soir, ainsi fut le matin,
ce fut le septième jour,'' parce qu'entre le sixième et le septième
il n'y eut qu'une nuit naturelle de douze heures, et c'est
probablement pendant cette nuit et le sommeil d'Adam, sur la dernière
heure du sixième jour, qu'Eve fut formée, car il est dit, 2,2: que
''Dieu eut achevé au septième jour toute l'œuvre qu'il avait
faite.''
Septième jour. Ce fut au septième jour que Dieu se reposa de toute
l'œuvre qu'il avait créée pour être faite; il semble donc que
nous devrions terminer ici le récit de la création, mais comme ce
premier sabbat appartient encore à l'histoire de la première
semaine du monde, nous croyons devoir ajouter encore quelques
réflexions, sans lesquelles l'histoire de cette semaine de création
serait incomplète.
Nous avons vu que les six jours précédents étaient, non des
espaces de temps de vingt-quatre heures, mais de longues époques; le
septième aurait donc dû leur être proportionné. Lorsqu'il
commença, Dieu n'avait pas dit: ''Tu travailleras six jours; tu
mangeras ton pain à la sueur de ton visage, tu retourneras en la
terre d'où tu as été tiré.'' L'homme avait été placé dans le
jardin d'Eden pour le soigner et le garder: non pour bêcher
péniblement la terre et lui faire produire à force de sueurs les
céréales et les autres graines dont il fut condamné à faire sa
nourriture après la chute, 3,48 19 cf. 4, 29 30, mais pour se
nourrir sans peine des fruits de ''tout arbre désirable à la vue et
bon à manger'' que l'Eternel avait fait germer dans le jardin.
C'était là le repos sans oisiveté des enfants de Dieu sur cette
terre, et il est probable qu'il aurait duré un temps plus ou moins
long, mille ans peut-être, après lequel ils auraient été
recueillis auprès de Dieu, comme Hénoc, sans passer par la mort,
sans que leur corps fut obligé de retourner dans la poudre.
La durée de la vie humaine avant le déluge était de près de mille
ans, et nous avons lieu de croire que c'est à cause du péché
qu'elle fut abrégée. Selon la tradition juive, égyptienne,
persane, assyrienne et indienne, qui fait des jours de la création
des espaces de mille ans, nous aurions du nous attendre à voir le
jour de l'homme créé à l'image de Dieu, le septième jour, durer
aussi mille ans, et se terminer par sa translation dans le ciel; mais
de même que les soirs cosmogoni-ques avaient bouleversé l'ordre
établi par Dieu dans la création matérielle, ainsi le péché vint
renverser l'ordre moral et physique dans cette nouvelle créature de
Dieu, et par suite dans le reste de la création. La terre, de très
bonne qu'elle était, devint maudite à cause de l'homme, 3,17 Le
jour du repos, au lieu de durer mille ans, fut changé en un temps de
peine et de fatigue, où il ne resta plus que des sabbats
hebdomadaires de vingt-quatre heures, monument remarquable et aussi
ancien que la race humaine, conservé pour lui rappeler sa
destination primitive, et le but auquel elle doit tendre, sa chute et
la miséricorde de Dieu, qui ne l'a pas entièrement rejetée; moyen
de grâce pour les générations futures, et image, pour ceux qui ont
appris à en faire leurs délices, du bonheur saint et pur que
l'Eternel réserve à ses enfants. Ce sabbat primitif se trouvant
ainsi réduit à vingt-quatre heures, devint pour le monde le
commen-cement d'une nouvelle semaine millénaire; suivant les
traditions mentionnées plus haut, il devrait aussi s'écouler six
mille ans depuis Adam jusqu'à la fin de l'économie actuelle. Le
sabbat de cette nouvelle semaine serait alors l'époque glorieuse du
millénium, de quelque manière qu'on l'entende; puis, au lieu de la
mort naturelle de l'homme, fruit de la chute et du péché, viendrait
au bout d'un peu de temps, Rev 20, 3 7, la destruction de la mort
elle-même, ce dernier ennemi de l'homme, 1Cor lo, 26 Rev 2-1, 4
Ceci n'est, à la vérité, qu'une hypothèse; cependant nous croyons
pouvoir en trouver une confirmation, Heb 3, et 4 en commentant le
sens du Ps. 95,11, l'apôtre nous montre que la menace de Dieu aux
Israélites, de les exclure de son repos, menace oui avait trait à
la Canaan terrestre, se rapportait aussi, et dans un sens plus élevé,
à la Canaan céleste, après laquelle doivent soupirer les enfants
de Dieu; puis il rattache cette même idée au premier sabbat, 4, 3
4, et montre, v. 6, que ceux à qui ce premier sabbat avait été
''premièrement annoncé'' n'y purent entrer ''à cause de leur
incrédulité,'' Adam et Eve ayant ajouté foi aux paroles du serpent
plutôt qu'à l'ordre positif de Dieu. Ce premier sabbat tel que Dieu
le leur destinait n'exista donc pas pour eux, ils n'y entrèrent pas.
C'est pourquoi Dieu ''détermine de nouveau un certain jour de
repos,'' v. 7 et 9 Le premier sabbat millénaire ayant été abrégé,
Dieu en prépare un autre pour son peuple, lorsque l'Eternel régnera
en Sion et que le Roi de paix entrera dans son royaume, (Isa 32, 17
18 CRECHE. L'humble et premier berceau du Fils de Dieu qui s'est fait
fds de l'homme, Luc. 2, 7 Si l'étable dans la-quelle naquit notre
Sauveur, était en effet pratiquée dans le roc, ainsi que le disent
la plupart des anciens pères, il est possible que la crèche ait
aussi été taillée dans les flancs de la caverne, mais on peut
croire qu'une auge de bois la garnissait intérieurement, et que
c'est dans cette auge que Jésus fut placé. D'autres prétendent que
cette crèche était de terre, et qu'elle fut remplacée par une
crèche d'argent. Même observation ici que sur la couronne d'épines,
il suffit d'aller voir sur les lieux; cette crèche miraculeuse se
trouve à Rome dans l'église Santa-Maria Maggiora; elle est de bois.
Est-elle authentique, c'est une autre question: on ne risque rien de
la mettre avec les saints langes que l'on montre à Saint Paul,
quoiqu'il y en ait aussi quelques fragments en Espagne; avec le saint
berceau et la sainte chemise que l'on montre en la même ville de
Rome, tous menus fatras dont les pères ne disent mot. Bien sûr
est-il que si ces objets étaient à Jérusalem lorsque cette ville
fut détruite, ils furent détruits avec elle; que s'ils n'y étaient
plus, et qu'ils fussent déjà à Rome, il n'en est toutefois pas
encore question du temps de saint Grégoire, à la lin du sixième
siècle, et dès lors cette ville a été mainte et mainte fois
prise, pillée et saccagée.
''II n'y a nul de si petit jugement qui ne voie la folie.'' Calvin.
Acte du Dieu éternel et tout puissant, par lequel il appelle à
l'existence des choses visibles et invisi-bles, matérielles ou
spirituelles, Rev 4,11 Psa 148,5, sq. Ce mot s'entend aussi, par
extension, de l'univers, de l'ensemble des choses créées; mais nous
n'avons à le considérer ici que dans le premier de ces deux sens,
c'est-à-dire comme acte créatif. L'homme, être borné et déchu,
ne peut pénétrer les conseils mystérieux du Seigneur, et découvrir
par lui-même la date, le mode, ni les raisons de la formation de
l'univers; Job 11, 7 8 Et si quelque téméraire se permet dans son
orgueil de disserter sur ces choses d'une manière contraire à la
Bible, ou cherche à découvrir ce qu'il a plu à Dieu de nous
cacher, le Seigneur lui-même confond son audace et le fait rentrer
dans la poussière, Job 38
Mais si par nous-mêmes nous ne pouvons découvrir les choses cachées
de Dieu, nous pouvons et devons chercher à connaître ce qu'il lui a
plu de nous en révéler. Pour cela nous avons deux sources
d'instruction à étudier: la Bible et la nature. ''Les œuvres de
Dieu et la parole de Dieu sont les deux portes du temple
de la vérité; comme elles proviennent d'un même auteur
souverainement sage et tout-puissant, il est impossible qu'il y ait
entre elles aucune contradiction; mais elles doivent, pour ceux qui
les comprennent dans leur vrai sens, s'expliquer et se confirmer
réciproquement, quoique d'une manière et par des voies
différentes.'' Gaede, prof, d'hist. nat. à Liège.) Et de même que
les œuvres visibles de la création de Dieu nous sont données pour
nous apprendre à connaître ses perfections invisibles, Rom 1, 20,
ainsi, c'est en prenant la Bible pour guide que nous devons étudier
cette création visible et les œuvres merveilleuses du Seigneur;
sans cela nous sommes exposés à tomber dans les systèmes les plus
faux et les plus absurdes, comme il est déjà arrivé à plusieurs
savants, auxquels on peut bien appliquer le reproche que Jésus
adressait aux Juifs: ''Vous êtes dans l'erreur parce que vous
n'entendez pas les Ecritures ni quelle est la puissance de Dieu,”Mat
22,29 Il est une science en par-ticulier, qui résume à elle seule
presque toutes les sciences naturelles, et qui, quoiqu'elle n'existe
que depuis peu d'années, remonte par ses découvertes jusqu'aux
premiers âges du monde; une science remplie d'attrait pour ceux qui
en ont fait l'objet de leurs études, et qui plus que toute autre
peut-être, a conduit à des résultats erronés et
anti-scripturai-res, ceux qui n'étaient pas soutenus par une foi
ferme à la parole de Dieu. Nous voulons parler de la géologie, dont
l'incrédulité a si souvent essayé de se faire une arme contre la
Bible. Mais à mesure qu'elle a été mieux étudiée, et que les
faits et les monuments qu'elle présente ont été examinés de plus
près, l'on a reconnu que loin d'ébranler en aucune manière
l'autorité de la Bible, elle n'a fait que confirmer le récit de
Moïse d'une manière frappante et inattendue. C'est ainsi que les
calculs remarquables du célèbre Cuvier pour connaître l'âge du
monde et l'époque du déluge, ont offert un résultat qui coïncide
exactement avec la Genèse Discours sur les révolutions de la
surface du globe. — Mais cette science est encore dans son enfance,
et s'il nous est permis de donner un conseil, nous voudrions engager
ceux de nos lecteurs qui auraient à s'en occuper, premièrement à
n'étudier la géologie qu'avec humilité et respect, en pensant que
la nature est comme la Bible, mais pas plus que la Bible, le livre de
Dieu; ensuite à ne pas s'effrayer, ni se laisser ébranler dans leur
foi, par des découvertes futures qui sembleraient en contradiction
avec la révélation écrite, ou avec des systèmes cosmogoniques
proposés même par des hommes pieux. II ne peut, nous le répétons,
y avoir contradiction réelle, et l'on trouvera toujours que
lorsqu'il y en aurait une apparente, cela vient de ce que nous
n'avons pas compris l'un ou l'autre de ces livres; mais la vérité
est une, et le Dieu fort est vérité, Deu 32,4
Après ces remarques préliminaires, l'on nous comprendra lorsque
nous dirons que ce n'est qu'avec crainte et tremblement que nous
osons hasarder quelques explications sur l'œuvre de la création,
telle qu'elle est rapportée dans le premier chapitre de la Genèse,
car ce sont là les choses difficiles et mystérieuses du Seigneur,
et connaissant à peine ''les bords de ses voies,'' Job 26, U., nous
craignons, nous aussi, ¦ d'obscurcir son conseil par des paroles
sans science.''
''Dieu créa au commencement le ciel et la terre,'' Gen 1,4 .—La
signification propre du mot créer est: tirer du néant, faire une
chose de rien; c'est pourquoi les traducteurs de la Bible s'en sont
servis pour rendre le mot hébreu bara qui n'a pas tout à fait la
même portée; mais la langue hébraïque n'en possédant pas d'autre
qui pût indiquer exactement l'acte par lequel Dieu produit une
chose, sans la former d'une substance déjà existante, les écrivains
sacrés ont dû employer ce mot bara, qui signifie proprement former,
mettre en ordre Calmet) mais dont la racine primitive semble plutôt
contenir le sens de séparer, (Simonis, Lex. Hebr.) C'est peut-être
à cette idée que correspond l'expression française: Dieu
débrouitMe chaos. En effet, nous voyons que l'œuvre des trois
premiers jours, dans le récit de Moïse, est en grande partie une
œuvre de séparation: Dieu sépare la lumière 'avec les ténèbres,
il sépare les eaux supérieures des eaux inférieures, il sépare la
terre sèche d'avec la mer, il sépare le jour d'avec la nuit. Et
lorsque Moïse emploie le mot créer, cela ne signifie pas toujours
tirer une chose du néant, mais souvent tirer une chose d'une autre
substance pour lui donner une forme nouvelle; ainsi, par exemple,
Dieu crée l'homme à son image, Gen 1, 27, et cependant il le tire
de la poudre de la terre, 2,7 Malgré cette double interprétation
dont le mot bara est susceptible, nous savons positivement que la
matière n'a pas toujours existé, qu'elle a eu une origine, car
l'Esprit-Saint nous le déclare, soit, Gen 1,1, en nous disant que
les cieux et la terre ont eu un commencement, cf. 2,4, soit dans le
commentaire qui nous en est donné ailleurs par le même Esprit, Heb
41,3 Psa 33,9 Et la sagesse de Dieu qui est, la même chose que sa
parole éternelle, le verbe incréé ''qui était au commencement
avec Dieu et qui était Dieu,'' nous parle d'un temps antérieur à
l'existence de notre globe, où elle était ses délices «lorsqu'il
agençait les cieux et qu'il traçait le cercle au-dessus des abîmes,
lorsqu'il n'avait pas encore fait la terre, ni le commencement de la
poussière du monde,'' Pro 8,22-30
''C'est donc le contexte,'' dit un savant professeur anglais, le
docteur Pusey, {v. Buckland Bridgewaler Treatise, vol. I, p. 22)
''qui doit décider du sens du mot bara, et nous indiquer s'il faut
le traduire par: tirer du néant, ou par: donner une nouvelle forme à
une substance qui existait déjà.
''Quoique Moïse se serve, en parlant des œuvres de Dieu, tantôt du
mot bara, tantôt du mot hazah Il fit) il paraît cependant que la
première de ces expressions a une énergie particulière, et ne peut
s'employer que pour décrire l'action de Dieu, tandis que la seconde
peut s'appliquer aussi à l'action des hommes.
''Après avoir soigneusement comparé un grand nombre de passages
Isaïe 43,11 S. Nom 46,30 Psa 4 04,30 sq.) et avoir fait une étude
attentive de ce sujet, je suis arrivé à cette conclusion, que les
mots créer et faire, employés en parlant de Dieu, sont synonymes,
avec cette différence que la première de ces expressions est la
plus forte des deux, quoique Moïse semble quelquefois les employer
indifféremment: Ainsi, Gen 1,21 Dieu créa les grands poissons; v.
25, Dieu fit les bêles de la terre; v. 26, faisons l'homme à notre
image; v. 27, Dieu créa donc l'homme.
M. de Rougemont Fragments d'une Histoire de la terre, p. 113) voit
quelque chose de plus dans la manière dont Moïse se sert de ces
mots; il dit que ''créer signifie former un type nouveau, tandis que
faire est restreint au développement d'un type déjà existant:
ainsi, dit-il, Dieu crée l'animal, l'homme, 4,20-27 mais une fois
les animaux aquatiques existants, il ne crée pas les animaux
terrestres, il les fait.»
Nous ne prétendons pas décider quelle peut être la valeur de cette
observation, mais nous croyons devoir ajouter en développement de
l'idée de cet auteur, que les eaux et les airs contenant parmi leurs
habitants des créatures qui appartiennent aux quatre grands
embranchements du règne animal, les types existaient tous avant la
formation des animaux terrestres, qui n'étaient pour ainsi dire
qu'un développement de ceux qui avaient été créés le cinquième
jour; tandis que l'homme étant non seulement un animal plus parfait
que les autres par les organes dont il était doué, mais encore le
seul habitant de la terre auquel Dieu eût donné une âme de la même
nature que l'Essence divine, pouvait bien être considéré, quant à
son corps, comme un développement d'un type antérieur, mais quant à
cette âme vivante, faite à l'image de Dieu, c'était bien
réellement comme une création nouvelle; ce qui expliquerait
pourquoi la Genèse se sert des deux expressions faire et créer,
quand il s'agit de l'homme.
''Ce qui est bien plus important pour l'interprétation du premier
chapitre de la Genèse, c'est de savoir si les deux premiers versets
contiennent une espèce d'introduction, un simple résumé de ce qui
va être dit plus en détail dans le reste du chapitre, ou s'ils sont
l'expression d'un acte de création distinct de ceux dont il est
parlé dans les versets suivants.
''Cette dernière interprétation paraît être la véritable comme
la plus naturelle. En effet, nous n'avons dans la Bible aucun autre
récit d'une création primitive, et de plus il semble que le
deuxième verset soit une description de la matière créée, avant
l'arrangement qui en allait être fait en six jours; ainsi la
création du commencement doit être distinguée de la création des
six jours; d'autant plus que le récit de ce qui s'est passé dans
chacun de ces jours est précédé de la déclaration que ''Dieu
dit,'' ou voulut l'événement qui suit immédiatement; par
con-séquent il semble que la création du premier jour doit avoir
commencé lorsque ces mots: ''Et Dieu dit,'' sont employés pour la
première fois, c'est-à-dire pour la création de la lumière. De
même, si c'est bien là le commencement de l'œuvre des six jours,
il est clair que cette création ne fait que donner une nouvelle
forme, un nouvel arrangement, et pour ainsi dire, meubler d'une
manière nouvelle un monde qui existait déjà, car nulle part dans
le récit des six jours il ne nous est dit que Dieu fit, ou créa
l'eau, ni la terre, ni les ténèbres, choses déjà existantes
Résultat d'une création précédente) les quelles il ne fait, dans
les premiers jours, que séparer les unes des autres et les mettre
dans un ordre nouveau.'' Buck-land's 1,22
Nous croyons donc que le v. 4 nous parle d'une création primitive
des choses matérielles, sans en indiquer l'époque qu'il ne nous
importe probablement pas de sa voir. Ceci n'est pas une opinion
nouvelle; c'est celle de plusieurs pères de l'Eglise Voir Pétavius,
Dogm.Theol.,tom.III. De opificio sex Dierum, Lib. 4 Cap. 1, § 8, et
cap. 11, § 4-8 Les uns voyaient dans les deux premiers versets de la
Genèse le récit de la création d'un monde primitif; d'autres,
comme saint Augustin, Théodoret, y voyaient la première formation
de la matière; d'autres, celle des éléments; d'autres croient que
les cieux dont il est question au v. 1 sont, non le ciel
atmosphérique de notre terre qui ne fut créé que le deuxième
jour, mais ce qui est appelé ailleurs les cieux des cieux.
Nous voyons, en effet, que quoique la Genèse emploie le même mot
Shamayim pour désigner ces deux choses, la Bible les distingue
ailleurs, comme Neh 9 6
La racine du mot hébreu qui signifie ciel, étant le prétérit
inusité shamah, être élevé, le mot shamayim signifierait les
hauteurs, ou les espaces élevés, et she-mé hasshamayim Les cieux
des cieux) seraient les espaces infiniment élevés, ou l'immensité
avec tout ce qu'elle contient, et par conséquent cette multitude
innombrable d'étoiles ou de mondes, qui feraient ainsi partie de la
première création, indiquée Gen 4,1, et que le v. 46 ne fait que
rappeler en passant, en parlant du moment où le soleil devint
lumineux pour la terre.
Le fameux passage de saint Pierre, 3,5-13, qui résume en quelques
mots les destinées de notre planète, autorise la différente
interprétation du mot cieux dans les versets 4 et 8, et montre que
le ciel du deuxième jour, c'est-à-dire l'atmosphère, suit le sort
de notre globe et de ses révolutions. Il est évident, en effet, que
les cieux antédiluviens qui ont été détruits, ne comprenaient pas
les astres, car alors le soleil, la lune, et les étoiles qui
existaient avant le déluge auraient aussi péri; la future
destruction par le feu, des cieux et de la terre d'à présent, n'est
donc pas non plus une catastrophe qui doive envelopper tout
l'univers, mais seulement une grande révolution qui doit changer
l'état et l'apparence de notre globe; un feu purifiant qui le
nettoiera de sa souillure comme l'or fondu dans le creuset est dégagé
par le feu des matières impures qui le ternissent; révolution après
laquelle le monde et ses habitants seront rétablis dans l'état de
pureté et d'innocence, d'où le péché d'Adam les avait fait
déchoir.
L'interprétation que nous venons de donner du v. 4 semble confirmée
aussi par l'expression remarquable qui termine le v. 3 du deuxième
chapitre: ''Dieu se reposa de toute l'œuvre qu'il avait créée pour
être faite.'' — Ne semble-t-il pas que ce passage est un de ceux
dans lesquels le Tout-Puissant soulève à nos yeux un coin du voile
qui nous cache la profondeur de ses conseils ? Ne semble-t-il pas
nous dire qu'il avait de longue main préparé une demeure aux
hommes, qu'il avait créé cette terre dans les jours d'autrefois
pour être faite, c'est-à-dire pour être façonnée plus tard, de
manière à ce qu'elle pût être habitée par des créatures dans
lesquelles il voulait mettre son plaisir? Pro 8,31
Il fit toutes ces choses par degrés, ajoutant une bonne chose à une
autre bonne chose, jusqu'à ce qu'il jugeât que tout était très
bon, Gen 1, 31, afin d'y rendre heureux des êtres formés à son
image, à qui il voulait remettre la domination sur toutes les
merveilles qu'il venait d'appeler à l'existence.
Quand il ne nous resterait d'autre partie de la révélation que les
premiers chapitres de la Genèse, n'aurions-nous pas là une preuve
éclatante de la bonté infinie de notre Créateur et du soin
paternel que sa Providence prend des hommes ? Oui, cet Etre tout
puissant qui s'occupait de notre bonheur, tant de siècles avant
l'existence de notre race, ne peut pas nous avoir délaissés, et si
le mal est entré dans le monde, et a gâté cette terre très bonne
où Dieu avait placé Adam, soyons sûrs que celui qui a mis tant de
soin à nous former pour le bonheur, aura aussi mis à notre portée
un remède à nos maux, un moyen de relèvement après notre chute,
un sauveur enfin assez puissant pour empêcher que cette terre et ses
habitants qui étaient sortis très bons de la main de Dieu, ne
continuent à être entraînés à jamais dans le chemin du mal.
Mais pour cela, il faut qu'une création nouvelle s'opère en nous,
et que cette parole divine par qui et pour qui toutes choses ont été
faites, renouvelle en nous l'image de Dieu que le péché a détruite,
1Cor 45, 4749 2Cor 5,17 Eph. 4,24
v. 2 ''Et la terre était sans forme et vide; les ténèbres étaient
sur la face de l'abîme, et l'Esprit de Dieu se mouvait sur les eaux.
> — Le mot abîme semble être synonyme des eaux sur lesquelles
se mouvait l'Esprit de Dieu; v. Job 38,30 Psa 42,8104,6 Jonas 2,6
sq.)
Si le v. 1 se rapporte à la première création de toutes choses,
dont rien ne peut nous faire même deviner l'époque, il se peut que
des millions d'années se soient écoulées entre ce moment et la
création de la lumière sur notre terre. Dans la Bible de Luther,
imprimée à Wittenberg, en 1557, on trouve le chiffre 1 marqué en
tète du v. 3, comme étant le commencement de l'histoire de la
création. Dans d'anciennes éditions anglaises où la division en
versets n'était pas encore adoptée, il y a un double interligne
entre les v. 2 et 3 Pusey.)
Le v. 2 décrit l'état du globe immédiatement avant le commencement
du premier des six jours, c'est-à-dire sur le soir du premier jour;
car, suivant la compu-tation mosaïque, chaque jour commence avec le
soir, et durejusqu'au soir du jour suivant. Le premier jour serait
donc la fin de la période indéfinie de la première existence du
monde. Dans ce v. 2 il est fait une mention spéciale de la terre et
des eaux comme existant déjà, mais enveloppées de ténèbres. Les
mots thohouvabo-hou décrivent cet état de confusion et de vacuité
que les Grecs représentent par le mot Chaos. Ils sont encore
employés dans le même sens, (Isa 34,11 Psa 107,40
Le mot vide, de nos traductions françaises, ne rend pas très'bien
la signification, car il donne l'idée d'un corps creux, tandis
qu'ici il faudrait exprimer un vide extérieur: la terre était vide
d'habitants, vide de parure, aride et dépouillée. D'où provenait
cet état chaotique ? Etait-ce ainsi que la terre était sortie des
mains du Créateur ? Etaient-ce les ruines d'un monde antérieur?
Nous l'ignorons; peut-être Dieu avait-il dit d'un ordre de choses
plus ancien ce qu'il dit plus tard du monde moderne, par la bouche de
son prophète, .1er. 4,23 sq.: ''La terre sera dans le deuil, les
cieux seront noirs au-dessus;... j'ai regardé la terre, et voici.
elle est sans forme et vide, etc.''
Ne semble-t-il pas que l'Esprit saint ait voulu nous représenter par
ces paroles une effrayante révolution de notre globe dont le chaos
aurait été le résultat P S'il était permis de traduire en langage
non inspiré les paroles de l'écrivain sacré, nous croirions
pouvoir paraphraser ainsi les premiers versets de la Genèse: Toutes
les choses que nous voyons et dont nous pouvons connaître
l'existence, soit sur la terre que nous habitons, soit au-delà,
doivent leur être à un Dieu souverainement bon, sage et puissant,
qui a fait sortir la matière du néant, dans des temps infiniment
reculés et dont la date nous est inconnue. Ce Dieu tout bon jugea à
propos de créer une race d'êtres intelligents auxquels il donna le
nom d'hommes, et voulant leur préparer une demeure, il choisit pour
cela un de ces globes qu'il avait faits pour se mouvoir dans
l'espace, et qui était alors inculte et désert, recouvert de
liquide et d'obscurité. Le moment où l'Esprit de Dieu s'en
rapprocha et plana, pour ainsi dire, à sa surface, pour y faire
pénétrer l'ordre et la vie, fut pour le globe le commencement d'une
création nouvelle qui devait avoir six degrés, ou se faire en six
époques de progrès successifs.
''Tout était prêt pour cette nouvelle création, la matière à
laquelle une autre forme devait être donnée, l'Esprit divin qui
devait la vivifier; il ne fallait plus que la parole du commandement
pour appeler à l'existence ce monde nouveau; et Dieu dit...que la
lumière soit, et l'ordre naquit au milieu de la confusion.''
Ainsi, nous voyons apparaître dès la fondation du monde cette
Trinité dans l'unité de Dieu: ''Le Père qui habite une lumière
inaccessible et que nul œil n'a vu ni ne peut voir», 1 Tim. 6,16
cf. Rev 1S, 3 Psa 18,29 36,10 ''le Fils, qui est la véritable
lumière qui a resplendi dans les ténèbres et qui éclaire tout
homme en venant au monde,'' Jean 1,9 cf. v. 2 Col. 1,16 Eph. 3,9;
''enfin l'Esprit de Dieu planant sur la face des eaux, pénétrant le
globe d'une force vitale, et qui nous est représenté comme
présidant à la création et y prenant la part la plus directe'',
Psa 33,6 cf. Gen.2,1 Ps.104,29 30 Jean 20,22 Gen 2,7 cf. Job33, i.
La Bible de Genève, éd. de 180S, ainsi que celle qui a été
publiée plus récemment par les pasteurs et professeurs de cette
ville, traduit au v. 2: ''Et Dieu fit souffler un vent qui agita la
surface de l'eau.'' Mais si le mot rouach peut, en effet, signifier
esprit ou vent, selon la place où il est employé, comme le grec
wveû/iaet le latin spiritus, est-il raisonnable de le traduire par
vent, lorsque Dieu n'avait pas encore créé l'air ? Autant vaudrait,
par exemple, remplacer Esprit par courant d'air dans des passages
tels que celui-ci: ''Caches-tu ta face, elles les créatures) sont
troublées; retires-tu leur souffle, elles défaillent et retournent
en leur poudre. Mais si tu renvoyés ton courant d'air Esprit) elles
sont créées de nouveau !'' Psa 104,29 30 cf. enc. Job 26,13) Et
afin de montrer évidemment que ces trois personnes ne sont pas trois
Dieux, mais un seul Dieu, manifesté de trois manières, l'écrivain
sacré qui se sert pour désigner le Créateur du mot Elohim,
Seigneurs, fait suivre cette désignation plurielle d'un temps de
verbe au singulier, comme s'il y avait Dieux dit que la lumière
soit; Dieux vit que cela était bon. Puis, après nous avoir montré
les personnes divines conférant ensemble V. 26 faisons l'homme à
notre image) il lui donne (2,4 ) le nom incommunicable et singulier
de Iahweh, joint à celui d'Elo-him, Seigneurs, qui est, qui était
et qui sera, ou Seigneurs Eternel.
Durée des jours de la création. Pendant longtemps, personne dans
les pays où le christianisme était professé, ne mit en doute que
les jours de la création ne dussent s'entendre à la lettre
d'espaces de vingt-quatre heures, mais à mesure que l'on étudia
plus attentivement les sciences naturelles, on trouva des preuves de
l'existence d'un ordre de choses antérieur à la création de
l'homme, ordre de choses qui avait dû continuer pendant des temps
fort longs; l'on se hâta de rejeter alors le récit de Moïse et ses
six jours, comme une chose absurde et contraire aux lois de la
nature. Puis vinrent d'autres naturalistes plus religieux, qui
comprirent que l'homme ne pouvait ainsi li-miter la puissance de
Dieu, et Que celui qui avait fait le temps pouvait créer un monde
non seulement en six mille ans, mais en six ans, en six jours, en six
minutes, en un clin d'œil, s'il l'eût voulu; il leur parut que sans
nier les découvertes des sciences naturelles, l'on pouvait fort bien
les concilier avec le récit mo-
saïque, en supposant que toutes les plantes et animaux fossiles
étaient les restes d'un monde antérieur au v. 3 de la Genèse,
détruit nous ne savons à quelle époque, ni pour quelle cause, et
que Dieu établit réellement l'ordre de choses actuel en six jours
de vingt-quatre heures. Mais cette hypothèse, quelque plausible
qu'elle paraisse au premier abord, n'explique pas suffisamment
comment il se fait, par exemple, que l'ordre des animaux fossiles,
selon leurs couches, se rapporte si bien à ce que nous enseigne la
Genèse sur l'ordre de leur formation; l'examen de leurs yeux, même
de ceux des plus anciens, comme, par exemple, des Trilobites, dans
les terrains de transition Buckland's vol. I. p. 396) prouve que ces
animaux ont vécu dans une lumière semblable à celle qui nous sert
à distinguer les objets, une lumière solaire en un mot, et qu'ils
ont été créés après que Dieu avait établi cet astre pour
éclairer notre globe, ainsi qu'il est dit aux versets 14 à 18 On
reconnut aussi que la Bible elle-même donne aux mots qui désignent
les divisions du temps, comme jour, semaine, des sens divers et plus
ou moins étendus, V. (Isa 34,8 Eze 4,6 Dan 9,241Cor 3,13 5, 5 2
Pierre 3,10, etc.) et l'on en vint à traduire les six jours de la
création par six époques. C'est à cette opinion que se sont
arrêtés presque tous les théologiens et les géologues les plus
distingués de notre temps; pour eux les jours de la création ne
sont pas des jours solaires comme ceux d'à-présent, mais des
époques cosmogoniques d'une longue durée, des temps de progression
et de formation alternant avec des temps de trouble et de révolutions
telluriques. Sans énoncer une opinion positive sur ce sujet, nous
devons convenir que les probabilités sont en faveur de l'opinion
qu'il s'agit non d'espaces de vingt-quatre heures, mais de périodes
considérables, de mille ans peut-être; en effet, il est remarquable
que dans les deux passages de la Bible où il est dit qu'aux yeux de
Dieu, mille ans sont comme un jour, et un jour comme mille ans, cette
déclaration de l'Esprit saint se trouve placée en relation directe
avec les événements de la Création, et avec ce jour du Seigneur
qui, comme le dit saint Jean, doit durer mille ans, cf. Psa 90, 2 4,
avec 2 Pierre, 3,5-10 et Àpoc. 20,.
Les plus anciens livres des nations prennent aussi, comme la Bible,
dans des sens plus ou moins étendus les mots qui désignent les
divisions du temps.
Plutarque dit que les Egyptiens, voulant prétendre à une plus haute
antiquité que les autres peuples de la terre, comptaient dans leur
chronologie chaque mois pour une année. Les calculs des Indiens et
des Chinois ont des bases tout à fait semblables; U.Doct.Nares, Man
consi-dered theologically and geologically, p. 192)
Zoroastre, en parlant de la création, dit qu'elle se fit en six
époques ou temps inégaux, distribués de la manière suivante: Le
premier temps fut employé à créer le ciel, ce qui prit 45 jours;
dans le deuxième temps, qui dura 60 jours, Dieu créa les eaux; la
terre fut créée dans le troisième, qui fut de 75 jours; le
quatrième, de 30 jours, vit éclore les plantes; le cinquième, de
80jours, tous les animaux; et le sixième, de 15 jours, fut consacré
à la création de l'homme. La somme de ces nombres est 365 jours ou
une année, Hyde. De religione veterum Persarum, Cap. 9. On reconnaît
dans cette narration le récit de la Genèse défiguré, et combiné
avec l'idée traditionnelle de la longueur considérable des jours de
la création, tradition qui existait déjà, à ce que l'on prétend,
chez les Juifs, et aussi chez les Etrusques F. de Rougemont,
Fragments, etc.)
Quelques auteurs ont cru en trouver une preuve implicite dans le
langage même du texte, et de même que la forme parti-cipale du
verbe qui exprime l'action de la force créatrice, l'esprit de Dieu,
se mouvant sur la surface de l'abîme, indique non un acte subit et
momentané, mais une force s'exerçant d'une manière continue Doct.
Wiseman, Lectures on Science and revealed Religion, vol. 1, p. 295)
ainsi l'on a cru reconnaître dans ces six jours non seulement une
suite de perfectionnements, mais aussi des intervalles de révolutions
et de bouleversements dont 'idée serait renfermée dans la
signification la plus étendue du mot Ereb, soir. Le premier chap. de
l'Ecclésiaste et le Psa 104 En particulier les versets 29 et 30)
avaient fait pressentir la possibilité d'une semblable progression
dont diverses traditions fort anciennes contiennent des traces
remarquables. — La cosmogonie indienne qui se rapproche beaucoup de
la Bible, parle ''d'un grand nombre de créations et de destructions
de mondes, provenant de la volonté d'un Etre suprême qui ne le fait
que dans le but de rendre ses créatures heureuses.'' Institues of
Hindu Law. London, 1823, ch. 1) Nous ne pouvons nous empêcher de
transcrire ici deux passages très remarquables de ce livre, cités
par Lyell, Priuciples of Geology, vol. 1 ch. 2, avec l'indication des
textes bibliques correspondants: ''L'Etre dont la puissance est
incompréhensible, m'ayantcréé, moi(Menou) et tout cet univers, fut
de nouveau absorbé dans l'Etre suprême, faisant succéder au temps
de l'énergie l'heure du repos.'' Cf. Uéb. 1,3 10 4,4 Jean 17,5 —Et
plus loin: ''Quand cette puissance agit', alors ce monde reçoit son
plein développement; quand il sommeille, tout le système déchoit.
Car pendant qu'il se repose, ou cesse d'agir, les esprits revêtus de
formes matérielles, et doués de principes d'action, se détournent
peu à peu de leur tâche, et l'intelligence elle-même devient
inerte.'' Cf. Psa 104,27-30)
Telle est aussi la tradition des Birmans, et celle des anciens
Egyptiens; on la retrouva même dans les ouvrages de quelques Pères
de l'Eglise, saint Augustin, Orat. II, saint Basile Hexaëmeron, hom.
2
Les découvertes récentes de la géologie sont venues, bien des
siècles après, éclaircir cette hypothèse, et la confirmer à ce
qu'il semble. Cuvier, dans son Discours sur les révolutions de la
surface du globe, établit par des preuves irrécusables, que ces
révolutions ont été nombreuses, subites, antérieures à
l'apparition de l'homme sur la terre, et même qu'il y en a eu
d'antérieures à l'existence d'êtres vivants quelconques.
''L'histoire des six jours, ainsi que celle de l'humanité, a ses
puits cosmogoniques, dont la première est le chaos, et dont le
caractère est la mort, le désordre, les ténèbres; par une
concordance imprévue et inexplicable, les géologues d'une part,
Moïse de l'autre, admettent un développement ou une création de la
terre tout à fait extraordinaire, qui s'opère par une alternative
de temps d'ordre et de création, de temps de désordre et de
destruction.
''La géologie ne fait ici que préciser, expliquer, commenter le
texte biblique, qui accepte en plein tous ces résultats de la
science.
''Les soirs Ereb) sont donc les temps de désordre; le premier soir
n'est autre chose que le chaos lui-même; les suivants sont des
invasions du chaos au milieu de l'œuvre lumineuse de Dieu. Les
matins sont des temps d'ordre, de vie, de création. L'œuvre de Dieu
pendant les six jours consiste à former la terre dévastée, et la
dégager du chaos, de l'abîme et des ténèbres qui disparaissent
successivement.
''Ainsi les eaux de l'abîme, 1,2, qui recouvraient au deuxième jour
encore la terre entière, en partagent au troisième la surface avec
les continents, et elles n'existeront plus sur la terre nouvelle, Rev
21,1 Ainsi les ténèbres, éclairées dès le premier jour par la
lumière, sont transformées en soirs cosmogoniques, et au quatrième
jour en nuits de douze heures. Les soirs cosmogoniques précèdent
chacun des six jours, et cessent avant la création de l'homme, aucun
ne s'interpose entre le sixième jour et celui du repos, et la
dernière des grandes époques de désordre est celle qui sépare le
cinquième jour du sixième. L'alternative des jours et des nuits de
vingt-quatre heures cessera à la fin des temps, et la terre sera
éclairée par une lumière continue, Zac 14,7 Rev 21, 23 C'est ainsi
que les complètes ténèbres du chaos se transforment peu à peu en
complète lumière.
''Le premier chap. de la Genèse est une vision des temps antérieurs
à l'homme, et doit s'expliquer d'après les mêmes principes que les
prophéties.
''En comparant l'œuvre de Dieu dans la réorganisation du chaos et
dans la création du monde, à celle de Dieu dans le cœur des
fidèles et dans l'Eglise, selon l'indication que nous en donne saint
Paul, 2Cor 4,6, on remarque bientôt que les six jours cosmogoniques
sont une espèce de prophétie de l'histoire de l'humanité, ou, en
d'autres termes, que les faits physiques de l'histoire de la terre
ont un sens analogue aux faits moraux de l'histoire de l'homme. Ainsi
les ténèbres du chaos se reproduisent dans les ténèbres morales
de l'âme déchue et pécheresse; les nuits cosmogoniques dans les
époques historiques de corruption et de ruines; les jours
cosmogoniques, dans celles de paix, d'ordre et de vie religieuse; la
formation du soleil au quatrième jour, dans l'apparition du soleil
de justice vers l'an 4,000, etc.» (Rougemont, Fragments, etc., p. 8)
Avant de nous oecupper spécialement de l'œuvre de chacun des six
jours de la création, nous devons indiquer une autre partie de
l'Ecriture qui nous en donne un commentaire remarquable: nous voulons
parler des chapitres 38 à 41 du livre de Job Ce n'est pas ici le
lieu d'examiner en détail cette portion sublime et mystérieuse de
la Parole, nous nous bornerons à quelques versets du chap. 38 En
interrogeant Job sur les merveilles de l'univers, le Seigneur
condescend jusqu'à raisonner avec sa créature; il lui montre que la
souveraine sagesse qui a présidé à l'arrangement de la terre, des
cieux et de tout ce qui s'y trouve, préside également aux
événements de la vie des hommes, et que par sa direction, toutes
choses concourent ensemble au bien de ceux qui aiment Dieu, Rom 8,28
Mais, outre ce but principal d'instruction, nous trouvons encore des
allusions à l'histoire de la création, qui peuvent éclaircir pour
nous quelques passages du Ier chap. de la Genèse.
En effet, nous croyons voir, dans le verset 4, une indication de
cette création primitive qui eut lieu au commencement, Gen 1,1; puis
au verset 7, nous voyons les intelligences célestes se réjouissant
de l'ordre et de l'arrangement que Dieu venait d'y établir, v. 5 et
6, et chantant en triomphe à cause de cette nouvelle manifestation
de la puissance de Dieu, v. 7 Mais une au moins de ces étoiles du
matin Lucifer) était déjà tombée, peut-être même plusieurs, et
le mal vint bientôt gâter l'œuvre du Créateur. 11 semble qu'une
irruption des eaux troubla l'ordre nouvellement établi, v. 8, et ce
fut alors que Dieu donna â l'abîme la nuée pour couverture et
l'obscurité pour ses langes, v. 9; peut-être les ténèbres furent
elles ordonnées alors comme punition et comme demeure des anges
déchus, par opposition à la lumière éternelle, qui est
représentée comme l'habitation de Dieu, Jean 3,19-21 Eph. 6,12
C'est à ce moment-là que semble se rapporter le premier soir de la
création; c'est là le chaos décrit au deuxième verset de la
Genèse, et dont Dieu va tirer la terre par six époques de
progression, six jours. Le verset 10 semble indiquer l'action de Dieu
par laquelle il opère la séparation des eaux inférieures et
supérieures, et le verset 11 correspondrait au verset 9 de la Genèse
où Dieu fixe à la mer la place qu'elle doit occuper. Les versets
8-11 pourraient, il est vrai, se rapporter à quelques égards au
déluge du temps de Noé; mais ce qui nous fait préférer l'autre
interprétation, c'est que le verset 9 semble nous indiquer que le
cataclysme dont il est parlé au verset 8 doit avoir été antérieur
au chaos, et que l'obscurité et le désordre du chaos en auraient
été le résultat. — Au verset 12 nous voyons paraître la
lumière, mais non comme lumière solaire: c'est l'aube du jour, le
pas du jour, ou la lumière éclairant simultanément tous les points
de la terre, v. 13, et faisant fuir de partout les ténèbres et les
esprits de ténèbres. Puis plus tard, v. 14. cette lumière prend
une nouvelle forme et se concentre pour ainsi dire dans une apparence
ou un moule matériel, le soleil. Le verset 14 n'est pas bien rendu
dans Ostervald: il a ajouté les mots la terre, qui ne se trouvent ni
dans l'hébreu, ni dans plusieurs autres versions. Le verbe
thitehapphek qui commence le verset 14, se rapporte d'ailleurs mieux
au substantif masculin shachar, l'aube du jour, v. 12, qu'au
substantif commun, mais ordinairement féminin érèts, la terre. .
Premier jour. Nous avons déjà remarqué que dans le calcul de
chaque jour cosmogonique le soir précède le matin: le soir du
premier jour fut donc l'obscurité qui le précéda, c'est-à-dire le
chaos. ''Dans ce moment là,'' dit Buckland, ''une nouvelle ère
allait commencer pour le monde, et la terre allait être tirée des
ténèbres dans lesquelles elle n'avait peut-être été enveloppée
que temporairement: car les mots, ''que la lumière soit,'' ne
signifient pas implicitementqu'elle n'eût jamais existé
précédemment.
Il était étranger au plan de Moïse de rechercher si la lumière
avait déjà lui sur cette terre, ou si elle existait dans d'autres
parties de l'univers; la narration ne s'occupe que de notre planète,
et la prend dans un moment où elle était plongée dans l'obscurité.
Le premier effet de l'action de l'Esprit sur le chaos fut donc
l'éveil de la lumière, qui brilla dans le sein même de la masse
informe dont elle fut séparée, Psa 104,5 6 Job 36,30 ''Dans toutes
les cosmo-gonies païennes qui parlent d'un chaos, dit M. de
Rougemont, les ténèbres, la nuit, sont l'état primitif, la lumière
apparaît ensuite, et plus tard les astres. Moïse, sans aucun doute,
n'entendait pas que la lumière provînt du soleil déjà créé,
mais encore voilé à la terre par les nuages; de concert avec toute
l'antiquité, il faisait la lumière plus ancienne que les astres.”—
En effet, il n'y avait pas alors de nuages, puisque les eaux
supérieures n'avaient pas encore été séparées des eaux
inférieures. Asaph en parle de même, lorsqu'il dit, Psa 74,16: ''Tu
as établi la lumière et le soleil.'' Dans plusieurs autres endroits
de la Bible, elle est également représentée comme existant avant
le monde, et comme étant la demeure du Seigneur, l'image même de
son essence, 1 Tim. 6,16 2Cor 4,6 Psa 104,2 (Isa 60,19 Hab. 3,4 Jean
1,4 9 8,912,36 461 Jean 1,5, etc.
Les philosophes incrédules du siècle dernier, voulant attaquer
l'inspiration du récit sacré, ont tourné Moïse en ridicule pour
avoir parlé de la lumière comme existant avant le soleil: les
découvertes modernes de l'optique dont Moïse n'a pu avoir aucune
connaissance, sont venues justifier l'inspiration de l'écrivain
sacré, en prouvant que la lumière est un fluide qui pénètre
d'autres corps, et qui existe indépendamment des corps lumineux.
Ceux-ci ne la rayonnent ou ne l'émettent pas par une sorte
d'émanation, comme on l'a cru longtemps: ils ne font que la mettre
en mouvement par ondulations, en telle sorte qu'elle frappe les
organes de la vue de la même manière que les vi-brations de l'air
communiquent le son à ceux de l'ouïe. Par conséquent, il n'y a
rien de contraire aux loix physiques de la nature dans l'assertion de
Moïse, qui nous représente la lumière comme créée avant tel ou
tel corps lumineux.
L'œuvre du premier jour fut, comme nous l'avons remarqué, une œuvre
de séparation. Dieu sépara la lumière d'avec les ténèbres, et
Dieu vit que la lumière était bonne; elle fut donnée non seulement
pour éclairer les hommes d'une manière physique, mais aussi pour
leur être un type de la sagesse, de la connaissance et des
perfections invisibles de Dieu. Nous voyons en effet qu'elle fut
ainsi considérée par les Juifs, et que même chez tous les peuples,
et surtout en Orient, elle a toujours été l'emblème de la
divinité, de la vertu et de toutes les bénédictions temporelles.
Second jour. Au second jour Dieu fit l'étendue Rakiah) non pas une
voûte ferme et solide, firmamentum, comme le traduit saint Jérôme.
Il dit aussi dans sa traduction de Job 37,18: Tu forsitan cum eo
fabricatus es cœlos qui solidissi-mi quasi aère fusi sunt ? ); mais
l'air, le ciel des oiseaux, des tempêtes, des puissances de l'air et
des malices spirituelles, Psa 148,4 Matfh. 6,26 Eph. 2,2 6,12;
l'atmosphère dans laquelle et au haut de laquelle devaient planer
les nuages; l'élément enfin qui devait soutenir un nombre immense
de créatures que Dieu allait placer sur la terre, et dans lesquelles
il mettrait une respiration de vie. • Quand l'Ecriture sainte parle
de l'air, dont la pesanteur était méconnue avant Galilée, elle
nous dit qu'à la création Dieu donna à l'air son poids et aux eaux
leur juste mesure, Job 28,23 Quand elle parle de notre atmosphère et
des eaux supérieures, elle leur donne une importance que la science
des modernes a seule pu constater, puisque d'après leurs calculs la
force employée annuellement par la nature pour la formation des
nuages, est égal à un travail que l'espèce humaine tout entière
ne pourrait faire qu'en deux cent mille années. Quand elle sépare
les eaux supérieures des inférieures, c'est par une étendue et non
par une sphère solide, comme voulaient le faire ses traducteurs.»
Gaussen, Théopneustie, 176,483)
Troisième jour. Au troisième jour la création se développe, pour
ainsi dire; dans les deux premiers, il y avait eu principalement
création de séparation ou de distinction: dans celui-ci il y a deux
actes créatifs, l'un de séparation, l'autre de formation. Dans la
première partie de cette période, Dieu tire de l'eau la terre qui
subsistait parmi l'eau. Il fait surgir les continents et les îles;
il forme la terre habitable et tout ce qu'elle contient, Neh 9,6 Le
Dieu qui a formé la terre et qui l'a faite, ne l'a pas créée pour
être une chose vaine Le même mot thohou rendu par sans forme dans
nos versions, Gen 1,2) mais il l'a créée afin qu'elle fût habitée,
(Isa 45, 18
Le neuvième verset de la Genèse indique l'existence antérieure de
cette ancienne mer et de cette ancienne terre, en disant simplement,
non qu'elles furent créées alors, mais que le sec parut, et cette
terre qui, avant de paraître, subsistait déjà parmi l'eau, est la
même dont la création avait été racontée au verset 1 La mer
aussi ne fit que changer de place par le rassemblement en un même
bassin des eaux déjà existantes.
La terre au troisième jour n'est pas encore éclairée par le
soleil; elle a sa lumière propre dont nous ne connaissons pas bien
la nature, mais qui établit une distinction essentielle entre la
terre pho-tosphérique des trois premiers jours et la terre
planétaire des trois derniers. C'est sous l'action de cette lumière
propre que parurent les végétaux pendant la deuxième partie du
troisième jour: alors la terre produisit d'elle-même premièrement
l'herbe, ensuite l'épi, puis le grain tout formé dans l'épi, Mar
4,28 Nous ne savons si ce serait par un souvenir traditionnel de la
plus grande activité créatrice déployée au troisième jour, que
les livres zends lui donnent une durée beaucoup plus longue qu'aux
deux premiers.
Jusqu'à une époque très récente, la géologie n'avait pas
découvert de traces des plantes qui furent créées au troisième
jour; tous les végétaux fossiles connus se trouvaient dans des
couches placées au-dessus des terrains de transition où sont
incrustés d'innombrables animaux aquatiques, les premiers êtres
vivants qui habitèrent notre terre. Le système carbonifère qui
comprend les bancs de houille, et dans lequel on trouve des fougères,
des palmiers, des conifères, est placé par-dessus la grauwacke ou
système silurien, qui contient un nombre immense de zoophytes, et de
mollusques, des articulés et des poissons. ) M. de Rougemont,
surpris de ce manque appa-rent de coïncidence entre le livre de la
révélation et le livre de la nature, supposa que la nuit
cosmogonique qui avait séparé le troisième du quatrième jour, ou
le quatrième du cinquième, pourrait avoir été accompagnée d'une
conflagration de notre globe qui aurait détruit la végétation
primitive dans le temps où la terre devenait planète. Cette
hypothèse, qui coïncide assez bien avec celle qui fait des soirs
cosmogoniques des époques de bouleversement, semblait confirmée par
les découvertes géologiques sur la nature des roches primitives;
les granits et les gneiss qui forment la couche inférieure de la
croûte de notre globe, ne sont pas, comme les schistes et les
calcaires, le résultat d'un sédiment boueux déposé par les eaux,
puis durci peu à peu par la pression, la chaleur et l'évapora-tion:
ils paraissent, au contraire, avoir été formés par le feu dont ils
portent les traces, ou en avoir subi l'action. ''Une telle
conflagration de la terre pholosphé-rique pendant que le système
solaire était organisé, a naturellement dû faire disparaître
toutes les plantes du troisième jour. Mais la Genèse ne fait pas
mention de cette révolution par le feu, parce que le pas capital de
l'œuvre du quatrième jour était la formation du système solaire.
''Toutefois, ajoute notre auteur, je suis le premier a reconnaître
combien sont hypothétiques tous les rapprochements de détail entre
la Bible et la géologie, relatifs aux époques antérieures à
l'homme.'' Fragments, p. 141
Malgré le profond respect que nous éprouvons pour les lumières et
la piété de cet écrivain, nous nous permettons de différer un peu
de ses vues sur ce pas; son hypothèse d'une conflagration ne nous
paraît pas nécessaire pour expliquer la disparition de la flore
primitive. Nous avons, en effet, remarqué que dans la création et
dans l'histoire de la terre, depuis le commencement jusqu'au moment
où Jésus remettra le royaume à Dieu le Père, 1Cor 13,24, il y a
progrès et développement successif; depuis la terre entièrement
couverte d'eau pendant le chaos, jusqu'à l'entière destruction de
la mer, Rev 21,1, le globe passe par un état intermédiaire, sa
surface étant composée en partie d'eau, en partie de terres sèches.
Si donc nous admettons une marche progressive, interrompue par une
succession de bouleversements Les soirs cosmogoniques ) il n'y a rien
de contraire à l'analogie des lois de la création, à supposer que
les premiers continents auront été beaucoup moins étendus que ceux
qui existent actuellement: par conséquent la flore primitive qui a
végété sur ces premiers continents, n'aurait occupé qu'un espace
proportionnellement très petit de la surface du globe, et pourrait
se retrouver dans des terrains actuellement submergés. Mais il y a
plus: les géologues n'ont examiné jusqu'à ce jour qu'une bien
faible portion de la superficie de la croûte solide du globe, et de
ce qu'on n'a pas trouvé jusqu'à présent en Europe La seule partie
du monde où l'on ait pu faire sur les fossiles des recherches un peu
générales) des restes des premiers végétaux, il ne s'ensuit pas
qu'on ne puisse le découvrir un jour ailleurs. Il paraît même
qu'on commence à en retrouver les traces, et que les immenses
végétaux fossiles récemment découverts dans le Canada et la baie
de Baffin, doiventavoir crû sous des conditions de chaleur,
d'humidité et de lumière, qui n'étaient pas celles où vivent
actuellement nos plantes. L'état de la terre, sortant à peine de
l'eau et environnée de sa lumière propre, tel qu'il est décrit Gen
1,9-12, explique la croissance de ces plantes d'une manière bien
plus satisfaisante que toutes les autres hypothèses.
II n'est pas nécessaire non plus de recourir à une conflagration
pour expliquer la formation des roches primitives. Presque tous les
chimistes, les physiciens, les géologues et les géographes
modernes, reconnaissent que la terre doit être composée d'un noyau
de métaux et de métalloïdes en incandescence, entouré d'une
croûte des mêmes substances àl'état d'oxi-des diversement
combinés entre eux. Le savant Fourier a déterminé les lois du
refroidissement graduel du globe et de sa couche extérieure, et les
expériences nombreuses et intéressantes de M. Cor-dier Essai sur la
température de l'intérieur de la terre, dans le Mémoire du Muséum
d'histoire naturelle, 1827) sont venues pleinement confirmer la
justesse des observations de Fourier sur l'existence d'un feu ou
d'une source de chaleur centrale. Ce système qui explique et la
forme sphéroïdale de la terre, et l'action des volcans, et la
chaleur des eaux thermales, et bien d'autres phénomènes encore,
explique aussi comment la première croûte solide de notre globe Les
roches primitives) doit porter des marques de l'action du feu,
comment une température jadis beaucoup plus élevée, peut avoir
donné à la terre une force végétative bien plus considérable que
celle que nous lui connaissons maintenant, et comment enfin Dieu peut
s'être servi des forces naturelles de l'eau réduite à l'état de
vapeur, pour soulever en divers endroits de sa surface une portion de
sa croûte solide sous la forme d'îles et de continents, et les
laisser retomber ensuite au-dessous du niveau des eaux.
Quatrième jour. Ici, comme le remarque M. de Rougemont, la
progression dans la création n'est plus la même; il y a un saut,
une interruption. ''De même qu'à la fin du quatrième jour de
l'humanité la lumière divine qui éclairait dès l'origine tous les
hommes, se concentra en un individu, Jésus-Christ, communiqua à
l'humanité des forces inconnues, et par la création de l'Eglise fit
toutes choses nouvelles, ainsi, au quatrième Jour cosmogonique la
lumière diffuse du premier jour se concentra dans le soleil, dont la
chaleur pénétra et transforma la terre devenue planète, et la
prépara à devenir la demeure d'animaux, d'âmes vivantes. Ce fut
alors que le système solaire fut achevé, et que notre terre, en
devenant planète, reçut aussi son satellite.'' Il semhle, en effet,
que les grands luminaires des cieux dont il est parlé versets 14-18,
ne sont nommés que dans leurs nouveaux rapports avec notre planète.
Le texte ne dit pas que la substance du soleil et de la lune ait été
créée le quatrième jour; mais il donne à entendre que ces corps
célestes furent alors chargés de remplir à l'égard de notre globe
des fonctions importantes pour ses futurs habi-tants, de luire sur la
terre, pour dominer sur le jour et sur la nuit, etc. Le fait de leur
création était déjà implicitement contenu dans le verset 1 Il est
aussi fait ici mention des étoiles, 1,16, mais en deux mots
seulement: Viieth haccochabim, presque en façon de parenthèse, et
comme pour indiquer qu'elles avaient été formées par la même
toute-puissance qui avait ordonné au soleil et à la lune de luire
sur notre terre. En passant si légèrement sur la création de ces
innombrables corps célestes qui brillent dans l'espace, et dont la
plupart sont probablement des soleils, centres d'autres systèmes
planétaires, tandis qu'il place la lune, ce petit satellite de notre
terre, comme tenant le second rang après la soleil, l'écrivain
sacré nous montre clairement qu'il n'a pas voulu nous donner une
leçon d'astronomie, et qu'il ne parle ici des astres que dans leurs
rapports immédiats avec notre terre et ses habitants, et non pas eu
égard à leur importance relative dans le vaste système de
l'univers. Il semble impossible de comprendre les étoiles dans le
nombre des luminaires que Dieu plaça dans les cieux pour luire sur
la terre, 1,17, etpourdominer sur le jour et la nuit; car la plus
grande partie des étoiles fixes n'est visible qu'à l'aide d'un
télescope, et celles que nous pouvons discerner à l'œil nu ne
donnent qu'une bien faible lumière en proportion de leur grosseur et
de leur multitude Buckland's I, p. 27 Il nous paraît donc que le
sens des versets 17 et 18 doit être restreint aux deux corps
célestes, qui sont en réalité les grands luminaires de la terre.
Leur office, en tant que servant à nous éclairer et à mesurer pour
nous les temps et les saisons, doit durer autant que notre terre, Gen
8,22; et de même que l'arc-en-ciel fut donné à Noé comme un signe
de l'alliance que Dieu traita avec lui et avec toute chair, avec
promesse de ne plus envoyer de déluge sur la terre, et de ne plus
faire périr par les eaux tout ce qui a en soi respiration de vie,
ainsi les grands luminaires des cieux sont proposés aux fidèles
comme signes de l'alliance que Dieu a traitée avec David, en
promettant que de sa postérité sortirait le soleil de justice, le
Messie qui sauverait de la mort seconde les âmes de tous ceux qui
croiraient en lui; cf. Jer 33,20 21 Cela ne signifie pas cependant
qu'ils doivent durer à toujours, car lorsque le Messie, fils de
David, viendra s'asseoir sur son trône et régner sur son peuple, la
chose promise étant donnée, ce qui lui servait de type et de signe
sera aboli. La loi s'accomplira jusqu'à ce que le ciel et la terre
passent, Mat S, 18; mais lorsque viendra le jour du courroux du
Seigneur, il fera crouler les cieux, et la terre sera ébranlée de
sa place Peut-être transportée hors de la place qu'elle occupe
actuellement dans le système solaire ) (Isa 13,13 cf. encore Agg.
2,6 2Pier. 3,10 Rev 6,12-14 21,pasM'm22,o.(Isa 60, 19 sq. 65, 17
66,22
Ces passages remarquables, considérés non dans leur but inoral et
prophétique quant à l'humanité et à l'Eglise en particulier, mais
simplement dans leur rapport avec l'histoire de notre terre, semblent
autoriser la supposition que notre globe, transporté au quatrième
jour dans le système solaire, doit lui être enlevé à la fin de
l'économie actuelle, sortir de salem, la seconde venue du Christ, et
la fin du monde ) Mat 24,3, l'on n'obtiendra de la Parole de Dieu
qu'une réponse aussi peu intelligible que le fut alors pour les
Apôtres ce que leur dit le Seigneur qui leur parle, dans la même
prophétie, de choses qui se rapportaient à ces trois époques
distinctes. Ainsi, pour interpréter ce qui nous estprophétisé sur
les destinées de notre globe, nous devons aussi distinguer avec soin
les divers chefs sous lesquels nous devons les ranger, et apprendre à
reconnaître dans une même prophétie les parties qui doivent avoir
un plus prochain accomplissement et celles qui ont une portée plus
éloignée. Cinquième jour. C'est en ce jour que les premières
créatures vivantes apparurent sur la terre, et c'est aussi à cette
époque de la création seulement que l'on trouve des faits
géologiques nombreux et détaillés, qui concordent avec
l'inter-prétation proposée des jours cosmogo-niques de la Genèse.
Nous ferons remarquer que la division biblique des animaux, lors de
la création, est très différente de la classification des sciences
modernes. Dans la Genèse, les animaux sont distingués d'après les
milieux dans lesquels ils vivent, ou plutôt d'après les substances
sur lesquelles doivent s'exercer leurs forces locomotrices, en
aquatiques, atmosphériques, et ter-restres. Les aquatiques
comprennent les types des quatre grands embranchements, et la
géologie retrouve aussi des vertébrés, des mollusques, des
articulés et des zoophytes existant simultanément dans les couches
fossilifères les plus anciennes. Plusieurs cosmogonies païennes qui
entreprennent de raconter l'ordre de la création, font naître les
oiseaux et les poissons dans deux jours différents; mais les
naturalistes, après avoir pendant long-temps partagé cette opinion,
ont enfin constaté entre ces deiîxclasses d'animaux des rapports
intimes que rien n'indique à l'œil, mais qui se révèlent dans
leur anatomie, et jusque dans la forme microscopique dos globules de
leur sang. Il y a peu d'années encore que les plus anciens oiseaux
ne remontaient qu'aux terrains tertiaires, et les géologues faison
orbite, être soustrait à l'action du soleil et de la lune, et subir
alors une nouvelle révolution par laquelle il atteindra un degré de
perfection et de lumière dont nous ne pouvons nous faire maintenant
aucune idée, mais qui sera en rapport avec les corps glorieux et
incorruptibles dont nous serons revêtus à la résurrection.
La manière dont se suivent les passages relatifs à la catastrophe
qui doit détruire l'ordre actuel, et ceux qui se rapportent à la
destruction finale du globe, ne contribue pas peu à jeter de
l'obscurité sur ce sujet; mais on peut remédier en partie à cette
obscurité en faisant attention aux considérations suivantes.
Dans les prophéties de l'Ancien Testament qui annoncent la venue du
Messie, on voit entremêlées celles qui par-lent de ses types, avec
celles qui l'annoncent lui-même paraissant dans l'abaissement et
l'humiliation, et celles qui décrivent le second et glorieux
avènement du Messie, roi d'Israël, entouré de ses milliers d'anges
et de tout l'éclat de sa puissance. Ces prophéties ne sont pas
rangées chronologiquement, mais elles se pénètrent et
s'entrelacent comme feraient les dessins de plusieurs tableaux
transparents, placés les uns derrière les autres. De même, dans
les parties de l'Ecriture qui annoncent le sort futur de notre terre
et les révolutions qu'elle devra subir, on voit aussi entremêlées,
sans égard à l'ordre des temps, des choses qui se rapportent aux
événements plus rap-prochés, et d'autres qui parlent de
catastrophes plus éloignées; des prédictions relatives au jugement
des nations immédiatement avant la période millénaire, et celles
qui se rapportent au jugement dernier, lors de la consommation de
toutes choses; des prophéties qui décrivent la transformation que
subira le globe lors du millénium, lorsque le bien régnera sur la
terre, et celles qui se rapportent à la destruction finale, à
l'annihilation du globe, annoncée Rev 20,41 Si l'on imite les
disciples qui demandaient dans la même phrase les signes de trois
événements bien différents qu'ils paraissaient confondre La ruine
de Jéru saient observer combien il était rationnel que les
oiseaux à sang chaud apparussent en même temps que les mammifères
à sang chaud. La géologie contredisait alors la Bible, qui place
les oiseaux, non au sixième jour avec les quadrupèdes, mais au
cinquième avec les poissons.
La contradiction était palpable, insoluble; mais depuis lors, on a
retrouvé des races d'oiseaux, des empreintes de pattes d'échassiers,
dans le grès bigarré, près de ces terrains de transition où la
vie commence par des êtres aquatiques. Ainsi les oiseaux à sang
chaud ont été créés à une époque ou les géologues a priori ne
les auraient jamais fait remonter; à une époque où il n'y avait
pas trace de mammifères terrestres, et où les animaux
aquatiquesprédominaientencoreen plein. Or, comment Moïse a-t-il
encore ici deviné si juste ?—(Rougemont, Fragments, p. 114
Sixième jour. Ce jour contient aussi deux parties comme le troisième
et le cinquième; les quadrupèdes et les ani-maux terrestres
apparurent sur les continents et les îles qui étaient sortis de
dessous l'eau au troisième; ''et de même que la seconde création
du troisième jour Les végétaux ) avait été la plus parfaite de
la terre photosphérique, ainsi la seconde création du sixième jour
L'homme) fut la plus parfaite de la terre planétaire.»
Il est probable que Dieu ne créa alors comme pour le cinquième jour
que les types ou genres Nommés espèces dans la Bible) et que ce que
nous appelons maintenant sous-genres, espèces, variétés dans les
animaux, se sont manifestés plus tard par l'action de causes
naturelles subséquentes, ou de dispositions chez des individus qui
se sont développées ensuite et propagées dans la postérité de
ces mêmes individus. (On trouvera des exemples re-marquables de
l'action de ces causes dans l'ouvrage de M. Laurence, Lectures on
Physiology, Zoology and the natural His-tory of Man, en particulier,
p. 448 à 451, sur la propagation d'une race d'hommes porcs-épics. —
v. aussi Lectures on the connexion between science and revealed
Religion, by Dr Wiseman. Lect. III et IV. 11 n'est pas dit si Dieu
fit simultanément plusieurs animaux ou paires d'animaux de chaque
espèce, mais comme une seule famille humaine devait suffire pour
peupler toute la terre, ainsi une seule paire de chaque espèce
d'animaux peut bien avoir aussi suffi pour remplir les bois, les
campagnes, et tous les espaces habitables, dans les eaux et sous les
cieux. II n'y a donc rien de difficile à comprendre dans la revue
que fit Adam de tous les animaux, lorsqu'il leur donna leurs noms; et
lors même qu'il y aurait eu un grand nombre de paires de chaque
espèce, il n'est pas dit que Dieu les fit toutes comparaître devant
le premier homme; tel ne paraît pas du moins devoir être le sens du
mot tout animal, Gen 2,19
Un caractère remarquable de cette époque, c'est l'absence de
férocité; les animaux étaient herbivores, au moins ceux qui
vivaient sur la terre et dans les airs, car il n'est pas parlé des
aquatiques, 1, 30, et cela a fait supposer que les eaux seules, et
peut-être leurs rivages étaient habités en partie par des
carnivores. L'expérience a prouvé qu'il est possible, même de nos
jours, de nourrir de végétaux les animaux les plus carnassiers de
leur nature, comme par exemple le lion; par conséquent ce fait peut
avoir eu lieu d'une manière beaucoup plus générale lors de la
création. C'est en vain qu'on objecterait le peu de probabilité que
des animaux carnassiers se soient contentés avant la chute de
l'homme de manger de l'herbe et des fruits; c'est en vain qu'on
prouverait par la conformation des mâchoires, des dents, des
griffes, de tous les muscles et de toute la charpente osseuse, qu'ils
étaient faits pour saisir une proie et pour la déchirer de leurs
dents ou de leurs becs crochus: si tels étaient leurs appétits
naturels, il n'était cependant pas plus difficile au Créateur de
les restreindre en Eden, que d'empêcher à Babylone les lions
affamés de Nébucadnetsar de suivre leurs féroces penchants, de
mettre en pièces Daniel et de le dévorer. La géologie d'ailleurs
nous montre dans les terrains de l'époque myo-cène, un nombre
proportionnellement très grand des pachydermes et des ruminants;
c'est probablement pendant cette époque géologique que fut créé
le premier homme (Rougemont, Fragments, etc..
Ici vient une pause dans le récit de l'historien sacré. Après
avoir décrit la manière dont Dieu a peu à peu préparé cette
terre, après l'avoir montrée graduellement revêtue d'un tapis de
verdure et de fleurs, couverte de riches ombrages et d'arbres chargés
de fruits, animée par les chants des oiseaux qui célèbrent dans
les airs la gloire de leur Créateur; après avoir décrit ces
milliers de créatures vivantes, se mouvant dans les eaux et sur la
terre, jouissant de leur nouvelle existence et de la lumière du
soleil. il nous dit que le Créateur de toutes ces merveilles
s'arrêta pour contempler son ouvrage et pour le bénir: et Dieu vit
que tout cela était bon. L'œuvre de la création n'était cependant
pas encore complète; mais avant de placer dans cette magnifique
demeure celui qui devait en avoir la souveraineté, le Tout-Puissant
semble se consulter lui-même, comme pour une chose plus importante,
et pour une création d'un ordre plus relevé que toutes les autres
choses qu'il avait créées pour être faites. Puis Dieu dit: Faisons
l'homme à notre image et à notre ressemblance, et qu'il domine sur
les poissons de la mer, sur les oiseaux des cieux, sur les animaux
domestiques et sur toute la terre, et sur tout.reptile qui rampe sur
la terre. — Jusqu'à présent, le texte hébreu a toujours désigné
la terre par le mot érets; mais dans le verset 25, où il est parlé
des reptiles de la terre, Moïse se sert du mot adamah, qui signifie
terre, en tant que sol, et surtout sol rouge, quoiqu'il soit aussi
pris dans une signification plus étendue; et c'est dans le verset
suivant qu'il dit: Faisons Adam L'homme) à notre image, Adam étant
mis ici comme nom générique de l'espèce humaine; on dirait que,
par ce changement d'expression, l'auteur sacré cherche à faire
mieux ressortir l'origine à la fois terrestre et céleste de cette
nouvelle créature, rattachant à ce nom symbolique l'idée de sa
faiblesse naturelle et de sa haute vocation, cf. 2Cor 4,7
Ajoutons encore ici que ce nom d'Adam semble indiquer que la couleur
primitive de la race humaine aurait été le rouge, comme on le
retrouve encore chez les races indigènes de l'Amérique; la
tradition des Juifs, des Américains et des habitants des îles de la
mer du Sud a conservé le même souvenir.
L'homme n'ayant trouvé parmi les êtres vivants aucun être qui lui
fût semblable, Dieu lit tomber sur lui un profond sommeil, prit une
de ses côtes, en forma une femme, et la présenta à Adam à son
réveil, 2, 18-22
On a quelquefois prétendu que les ressemblances frappantes qui se
rencontrent dans les cosmogonies des différents peuples, ainsi que
dans celles de leurs traditions qui se rapportent à l'origine du
genre humain, ne pouvaient provenir que de la similarité de l'esprit
humain dans tous les pays, similarité qui, à l'égard de certaines
choses, devait nécessairement conduire partout à un même résultat.
Cette théorie est assez vraie pour tout ce qui est du ressort de la
réflexion et de la méditation; mais quand les traditions ne peuvent
s'expliquer, ni par le raisonnement, ni par l'expérience, il est
clair qu'elles doivent provenir d'une même source, et qu'elles nous
indiquent une commune origine pour les peuples chez qui elles sont
nationales. Qu'ya-t-il, par exemple, dans la forme de la femme, qui
ait jamais pu donner l'idée qu'elle ait été primitivement tirée
de l'homme et formée d'un de ses os? Or, cette tradition se retrouve
chez les peuples les plus éloignés et sans communication les uns
avec les autres. En Chine, la femme du premier homme est ''la fille
de la côte d'Occident,'' et son nom signifie ''la grande aïeule qui
entraîne au mal.'' Les Groënlandais disent que la première femme
fut formée du pouce de l'homme. Les Indiens de l'Esse-quebo
prétendent qu'après que le Grand-Espnt eut créé tous les animaux,
il finit par former un homme qui tomba bientôt dans un profond
sommeil; le Grand-Esprit l'ayant touché, il se réveilla et vit à
ses côtés une femme. Chez les Indiens, H est question d'un premier
homme, Viradj, créé sans femme; puis regardant autour de lui, se
voyant seul, il se plaint de sa solitude, il se divise lui-même en
mâle et femelle et donne naissance à toute la race humaine. Chez
les habitants de la Nouvelle Zélande, le mot Iwi Eve) signifie os,
et la première femme a été formée, selon eux, du corps de l'homme
et dune de ses côtes. A Tahiti, le Dieu créateur, après avoir fait
le monde, forma l'homme avec de la terre rouge: un jour il plongea
l'homme dans un profond sommeil et en tira un os /w, ioui) dont il
fit la femme (Rougemont, p. 56
Mais si les païens eux-mêmes ont conservé d'une manière si
admirable, à travers cinquante-huit siècles, l'histoire de ce
sommeil mystérieux d'Adam, ce n'est qu'à l'Eglise chrétienne que
le sens moral et symbolique de cet événement a été révélé.
Dans ce premier Adam encore sans péché, nous voyons le type de ce
deuxième Adam qui a été fait semblable à nous en toutes choses,
sans péché Grec)Heb 2, 174,4 5 Ce sommeil, ce côté entr'ouvert,
cette épouse qui en est Urée, nous sont des emblèmes de la mort de
Christ et de son côté percé, de cette mort qui donne naissance à
son Eglise, de cette ''Eglise qu'il s'est acquise par son sang'' pour
en faire son épouse bien-aimée, Act 20, 28 Ce n'est qu'après la
mort de Jésus, que les disciples commencèrent à se rassembler en
son nom sans lui, mais la nouvelle Eglise fut cachée et n'exista
pour ainsi dire qu'en germe et sans développement, jusqu'à la
Pentecôte, v. encore 1Cor 11, 8 9 Eph. 5, 23-32 Si, confondus par la
force de ces images, nous avons peine à croire à une telle
condescendance de notre Dieu; si, considérant nos faiblesses et nos
misères, il nous semble impossible que l'Eglise puisse être l'objet
d'un tel amour, et que nous soyons portés à demander, comme
Nicodème: Comment cela peut-il se faire? Dieu nous répond par ces
glorieuses promesses: ''Christ s'est livré pour son Eglise, afin
qu'il la sanctifiât après l'avoir nettoyée en la lavant d'eau et
par sa parole, pour la faire paraître devant lui une église
glorieuse, n'ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable, mais
étant sainte et irrépréhensible,'' Eph. 3,25 2627 Col. 1,1 8 22
cf. 1Cor 1, 30
Après que l'homme eut été formé, la création fut terminée; le
temps naturel commença, et les secousses, ou nuits cos-mogoniques,
cessèrent; aussi ne voyons-nous pas que la Bible en fasse plus
mention; il n'est plus dit ''ainsi fut le soir, ainsi fut le matin,
ce fut le septième jour,'' parce qu'entre le sixième et le septième
il n'y eut qu'une nuit naturelle de douze heures, et c'est
probablement pendant cette nuit et le sommeil d'Adam, sur la dernière
heure du sixième jour, qu'Eve fut formée, car il est dit, 2,2: que
''Dieu eut achevé au septième jour toute l'œuvre qu'il avait
faite.''
Septième jour. Ce fut au septième jour que Dieu se reposa de toute
l'œuvre qu'il avait créée pour être faite; il semble donc que
nous devrions terminer ici le récit de la création, mais comme ce
premier sabbat appartient encore à l'histoire de la première
semaine du monde, nous croyons devoir ajouter encore quelques
réflexions, sans lesquelles l'histoire de cette semaine de création
serait incomplète.
Nous avons vu que les six jours précédents étaient, non des
espaces de temps de vingt-quatre heures, mais de longues époques; le
septième aurait donc dû leur être proportionné. Lorsqu'il
commença, Dieu n'avait pas dit: ''Tu travailleras six jours; tu
mangeras ton pain à la sueur de ton visage, tu retourneras en la
terre d'où tu as été tiré.'' L'homme avait été placé dans le
jardin d'Eden pour le soigner et le garder: non pour bêcher
péniblement la terre et lui faire produire à force de sueurs les
céréales et les autres graines dont il fut condamné à faire sa
nourriture après la chute, 3,48 19 cf. 4,29 30, mais pour se nourrir
sans peine des fruits de ''tout arbre désirable à la vue et bon à
manger'' que le Seigneur avait fait germer dans le jardin. C'était
là le repos sans oisiveté des enfants de Dieu sur cette terre, et
il est probable qu'il aurait duré un temps plus ou moins long, mille
ans peut-être, après lequel ils auraient été recueillis auprès
de Dieu, comme Hénoc, sans passer par la mort, sans que leur corps
fut obligé de retourner dans la poudre.
La durée de la vie humaine avant le déluge était de près de mille
ans, et nous avons lieu de croire que c'est à cause du péché
qu'elle fut abrégée. Selon la tradition juive, égyptienne,
persane, assyrienne et indienne, qui fait des jours de la création
des espaces de mille ans, nous aurions du nous attendre à voir le
jour de l'homme créé à l'image de Dieu, le septième jour, durer
aussi mille ans, et se terminer par sa translation dans le ciel; mais
de même que les soirs cosmogoni-ques avaient bouleversé l'ordre
établi par Dieu dans la création matérielle, ainsi le péché vint
renverser l'ordre moral et physique dans cette nouvelle créature de
Dieu, et par suite dans le reste de la création. La terre, de très
bonne qu'elle était, devint maudite à cause de l'homme, 3,17 Le
jour du repos, au lieu de durer mille ans, fut changé en un temps de
peine et de fatigue, où il ne resta plus que des sabbats
hebdomadaires de vingt-quatre heures, monument remarquable et aussi
ancien que la race humaine, conservé pour lui rappeler sa
destination primitive, et le but auquel elle doit tendre, sa chute et
la miséricorde de Dieu, qui ne l'a pas entièrement rejetée; moyen
de grâce pour les générations futures, et image, pour ceux qui ont
appris à en faire leurs délices, du bonheur saint et pur que le
Seigneur réserve à ses enfants. Ce sabbat primitif se trouvant
ainsi réduit à vingt-quatre heures, devint pour le monde le
commen-cement d'une nouvelle semaine millénaire; suivant les
traditions mentionnées plus haut, il devrait aussi s'écouler six
mille ans depuis Adam jusqu'à la fin de l'économie actuelle. Le
sabbat de cette nouvelle semaine serait alors l'époque glorieuse du
millénium, de quelque manière qu'on l'entende; puis, au lieu de la
mort naturelle de l'homme, fruit de la chute et du péché, viendrait
au bout d'un peu de temps, Rev 20, 3 7, la destruction de la mort
elle-même, ce dernier ennemi de l'homme, 1Cor lo, 26 Rev 2-1,4
Ceci n'est, à la vérité, qu'une hypothèse; cependant nous croyons
pouvoir en trouver une confirmation, Heb 3, et 4 en commentant le
sens du Psa 95,11, l'apôtre nous montre que la menace de Dieu aux
Israélites, de les exclure de son repos, menace oui avait trait à
la Canaan terrestre, se rapportait aussi, et dans un sens plus élevé,
à la Canaan céleste, après laquelle doivent soupirer les enfants
de Dieu; puis il rattache cette même idée au premier sabbat, 4,3 4,
et montre, v. 6, que ceux à qui ce premier sabbat avait été
''premièrement annoncé'' n'y purent entrer ''à cause de leur
incrédulité,'' Adam et Eve ayant ajouté foi aux paroles du serpent
plutôt qu'à l'ordre positif de Dieu. Ce premier sabbat tel que Dieu
le leur destinait n'exista donc pas pour eux, ils n'y entrèrent pas.
C'est pourquoi Dieu ''détermine de nouveau un certain jour de
repos,'' v. 7 et 9 Le premier sabbat millénaire ayant été abrégé,
Dieu en prépare un autre pour son peuple, lorsque le Seigneur
régnera en Sion et que le Roi de paix entrera dans son royaume, (Isa
32, 17 18 CRECHE. L'humble et premier berceau du Fils de Dieu qui
s'est fait fds de l'homme, Luc. 2,7 Si l'étable dans la-quelle
naquit notre Sauveur, était en effet pratiquée dans le roc, ainsi
que le disent la plupart des anciens pères, il est possible que la
crèche ait aussi été taillée dans les flancs de la caverne, mais
on peut croire qu'une auge de bois la garnissait intérieurement, et
que c'est dans cette auge que Jésus fut placé. D'autres prétendent
que cette crèche était de terre, et qu'elle fut remplacée par une
crèche d'argent. Même observation ici que sur la couronne d'épines,
il suffit d'aller voir sur les lieux; cette crèche miraculeuse se
trouve à Rome dans l'église Santa-Maria Maggiora; elle est de bois.
Est-elle authentique, c'est une autre question: on ne risque rien de
la mettre avec les saints langes que l'on montre à Saint Paul,
quoiqu'il y en ait aussi quelques fragments en Espagne; avec le saint
berceau et la sainte chemise que l'on montre en la même ville de
Rome, tous menus fatras dont les pères ne disent mot. Bien sûr
est-il que si ces objets étaient à Jérusalem lorsque cette ville
fut détruite, ils furent détruits avec elle; que s'ils n'y étaient
plus, et qu'ils fussent déjà à Rome, il n'en est toutefois pas
encore question du temps de saint Grégoire, à la lin du sixième
siècle, et dès lors cette ville a été mainte et mainte fois
prise, pillée et saccagée.
''II n'y a nul de si petit jugement qui ne voie la folie.'' Calvin.
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