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Oiseau appelé en hébreu horeb, et en syriaque croac; de même croak
dans le vieux anglais. Il était déclaré impur par la loi de Moïse,
Lev 11, 15 Deu 14,14 Il habite les lieux solitaires, sauvages et
désolés, (Isa 34,11 Salomon, dans le Cantique 5,11, compare les
boucles noires de l'épouse au plumage brillant et noir de cet
oiseau.
Le corbeau apparaît pour la première fois dans l'Ecriture, Gen 8,7
Les eaux du déluge commençant à baisser, et le sommet des
montagnes à sortir de l'Océan, l'homme de l'ancien et du nouveau
monde envoie sur la terre, ou plutôt sur les flots, cet oiseau dont
il risque la vie pour un essai d'exploration,-et qui prend ainsi le
premier possession de la terre sauvée; mais l'animal va et vient ne
trouvant pas à se poser, puis il quitte l'arche pour n'y plus
revenir, et va sans doute sur les montagnes se nourrir des victimes
dont le déluge avait parsemé l'univers. C'est après le départ
définitif de l'aventureux oiseau que Noé laisse échapper une
colombe; mais plus timide, elle rentre dans l'arche d'abord, puis
ressort huit jours après et rentre une dernière fois, apportant
dans son bec l'emblème de la paix et du salut, une branche
d'olivier. — Nos versions portent, conformément au texte hébreu,
au caldéen, à l'arabe et au samaritain, que ''le corbeau sortit
allant et revenant, jusqu'à ce que les eaux se fus-sent desséchées
sur la terre,'' tandis que les Septante, le syriaque et la Vulga-te,
ainsi que bon nombre de Pères et de commentateurs, portent que ''le
corbeau sortit et ne revint pas.'' De fortes raisons parlent sans
doute en faveur de cette dernière leçon: on se demande pourquoi, si
le corbeau était rentré, Noé ne l'aurait pas lâché de nouveau,
ainsi qu'il fit plus tard avec le pigeon, et pourquoi il crut
nécessaire de lâcher le pigeon lorsque l'absence prolongée du
corbeau devait lui indiquer suffisamment que cet animal avait su
trouver un abri et de la nourriture sur la terre. Mais, outre que les
pourquoi ne sont guère une autorité, il est bien difficile
d'accepter des variantes au texte hébreu, et de s'éloigner ainsi de
l'original.
Le corbeau joue encore un rôle dans l'histoire d'Elie. Ce prophète
s'étant retiré par l'ordre de Dieu sur les bords du Kérith, 1Roi
17,3-5, il y fut nourri par des corbeaux ''qui lui apportaient du
pain et de la chair le matin, du pain et de la chair le soir, et il
buvait du torrent.» Mais toutes sortes d'explications, toutes plus
singulières les unes que les autres, et plus singulières que le
fait même qu'elles voulaient expliquer, ont été mises en avant
pour ôter à cette histoire ce qu'elle a de surnaturel.
Quelques-uns, comparant le rocher de Horeb, Jug 7,2b. (Isa 10, 26,
qui se trouvait dans la contrée de Bethsan à l'ouest du Jourdain,
et non loin du Kérith, ont supposé que les corbeaux Horebim)
d'Elie, n'étaient autres que les habitants d'une ville de Horeb qui
aurait existé près du rocher de ce nom, et que c'était à ces
habitants que Dieu aurait donné l'ordre de nourrir son prophète.
D'autres, lisant Arabim au lieu de Horebim, pensent que ce sont des
Arabes du voisinage, qui, ignorant les persécutions d'Achab,'ou les
bravant, auraient apporté deux fois par jour au prophète, la
nourriture dont il avait besoin. D'autres encore traduisent Hore-bin
''des marchands,'' des passsants, des étrangers, qui
irrégulièrement, et à mesure qu'ils arrivaient, auraient fourni
quelques vivres au vénérable et pieux solitaire. Toutes ces
explications sont réfutées par ce seul fait, qui semble mentionné
tout exprès, que le prophète n'avait pour se désaltérer que l'eau
du torrent, et que lorsque le torrent fut à sec, le prophète dut se
rendre ailleurs, chez une pauvre veuve païenne, pour s'y mettre à
la fois à l'abri des persécutions et à l'abri de la soif; si
c'eussent été des hommes qui eussent fourni à Elie le pain et la
viande, ils auraient pu tout aussi bien, et sans plus de peine, lui
apporter de l'eau; des corbeaux ne le pouvaient pas.
On en doit donc rester à la traduction toute simple et tout
ordinaire de nos versions, et l'on peut de deux manières comprendre
que des corbeaux aient été en effet les pourvoyeurs de l'homme de
Dieu. Supposons que l'asile du prophète fût un lieu de rochers, de
montagnes et de solitudes: c'est là que les oiseaux de proie font
leurs nids, et qu'ils élèvent leur couvée, qu'ils nourrissent
leurs petits; le prophète aura pu sans peine s'emparer pendant leur
absence, des provisions qu'ils apportaient deux fois par jour à leur
nichée, et Dieu aura employé un moyen naturel pour fournir à Elie
une nourriture abondante et régulière. L'histoire profane présente
des exemples du même genre; v. Tite-Live 1,4 Diod. de Sicile 2,4
Justin 1,4 et ailleurs.Mais si l'on se rappelle que le Dieu du ciel
est aussi le Dieu de la terre, de la nature, de l'homme et de tous
les êtres vivants, qu'il fait des vents ses anges et des flammes de
feu ses ministres, qu'il tient dans sa main les instincts et les
volontés de tous les animaux, qu'il les dirige comme il le veut, et
les fait agir en maître, qu'il les conduisit dans l'arche, qu'il
envoya un bélier pour remplacer Isaac, un lion pour déchirer le
vieux prophète, des ours pour venger Elisée, une baleine pour
sauver Jonas, un poisson pour payer le tribut, un âne pour l'entrée
dans Jérusalem, on ne pourra méconnaître que l'approvisionnement
miraculeux d'Elie n'appartienne à cette classe de miracles.
Nous lisons, Job 39,3: «Qui est-ce qui apprête la nourriture au
corbeau, quand ses petits crient au Dieu fort, et qu'ils vont
errants, parce qu'ils n'ont pas de quoi manger?”et Psa 147:9 ''Dieu
donne la pâture au bétail, et aux petits du corbeau qui crient vers
lui.'' Quelques auteurs ont pensé que ces deux passages étaient une
allusion à ce que l'on dit que le corbeau, lorsqu'il voit ses petits
nouvellement, éclos, et couverts d'un poil blanc, les prend en
dégoût, les abandonne, et ne retourne à eux que lorsque ce premier
duvet étant tombé, ils commencent à se revêtir d'un plumage noir.
La mue et le changement de couleur sont un fait, mais quant à cette
aversion c'est une fable. ''Dans les premiers jours, dit Buffon, la
mère semble un peu négliger ses petits; elle ne leur donne à
manger que lorsqu'ils commencent à avoir des plumes; et l'on n'a pas
manqué de dire qu'elle ne commençait que de ce moment à les
reconnaître à leur plumage naissant, et à les traiter
véritablement comme siens. Pour moi, je ne vois dans cette diète
des premiers jours que ce que l'on voit plus ou moins dans presque
tous les animaux, et dans l'homme lui-même: tous ont besoin d'un peu
de temps pour s'habituer à un nouvel élément, à une nouvelle
existence, etc.'' Les deux passages dont nous parlons ont fait naître
beaucoup d'autres conjectures: on a supposé que les corbeaux
abandonnaient quelquefois leurs petits, ne pouvant suffire à leur
extrême voracité; on a dit que quelquefois ils les oubliaient, sans
y mettre de malveillance; d'autres encore, s'appuyant de l'autorité
d'Aristote, de Pline, etc., ont avancé que les corbeaux chassent
leurs petits de très bonne heure, et les obligent ainsi de chercher
fort jeunes leur pâture; et c'est ainsi que l'on a voulu s'expliquer
l'intervention directe de Dieu que Job et le prophète paraissent
admettre dans l'alimentation des petits corbeaux. Mais la paraphrase
la plus vraie de ces deux passages nous paraît être dans ces beaux
vers de Racine:
Aux petits des oiseaux il donne la pâture, Et sa bonté s'étend sur
toute la nature.
C'est ce que dit Calmet, en d'autres termes: ''Il y en a qui, sans y
chercher plus de finesse, tiennent que la Provi-dence s'étend sur
les animaux à quatre pieds, et sur les oiseaux, qui crient à lui à
leur manière, et que les corbeaux sontmis dans les endroits que nous
avons cités, au lieu des oiseaux en général.''
Jésus rappelle la même chose lorsqu'il dit: Considérez les
corbeaux, ils ne sèment, ni ne moissonnent, et cependant Dieu les
nourrit, Luc 12,24 Dans le passage parallèle, Mat 6,26, il y a
l'idée générale, au lieu de l'exemple particulier: Considérez les
oiseaux du ciel.
Agur, dans le 30e chapitre du livre des Proverbes, v. 17, dit que les
corbeaux du torrent crèveront les yeux du mauvais fils qui se moque
de son père et qui méprise l'enseignement de sa mère, voulant
annoncer peut-être qu'il sera privé de sépulture, jeté aux
champs, et livré à la voracité des corbeaux qui, dit-on,
commencent toujours par crever les yeux des cadavres qu'ils dévorent.
Les Septante et laVulgate,dans Sop 2,14, au lieu de désolation,
lisent: «Le corbeau sera au seuil,'' par où les uns entendent qu'on
nourrissait des corbeaux dans la maison, et d'autres, avec plus de
raison, que Ninive sera tellement désolée que ses ruines serviront
de retraites aux corbeaux; mais cette traduction ne peut être
admise.
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