|
On appelait Caldéens les habitants de la Babylonie, et du royaume de
Babylone, cf. Dan 9,1 2Roi 25, 4 (Isa 13,19 23,13 48,14 Jèr. 21, 4
32,4 Eze 23,14 Hab. 1,6 cf. Gen 11, 28 Job 1, 17 Ils n'étaient
cependant pas originaires de cette contrée, et ne doivent pas être
confondus avec ses anciens habitants; la langue des Babyloniens était
une sœur de celle des Hébreux, tandis que celle des Caldéens en
différait complètement, comme on le voit par les noms propres
Nabopolassar, Nébucadnetsar, Belsatsar, etc., qui n'ont aucun
rapport avec la langue hébraïque, et que l'on a essayé avec succès
d'expliquer en les comparant avec les restes de l'ancien persan. Les
Caldéens paraissent avoir eu pour berceau les montagnes Car-duchi,
qui séparent l'Arménie de l'Assyrie; Xénophon Cyrop. III, et dans
plusieurs endroits de son Anabasis ) parle d'eux comme d'un peuple
pauvre et barbare, courageux et jaloux de sa liberté, vivant de
rapines, et fournissant quelquefois des troupes mercenaires aux rois
de la Médie et des Indes: c'est ainsi que nous en rencontrons dans
l'armée des Assyriens, (Isa 23,13 On peut supposer qu'un roi
d'Assyrie avait accordé une portion de territoire, dans la
Babylonie, à une troupe de Caldéens qu'il avait à sa solde, et que
ceux-ci, peut-être sous la conduite de Nabopolassar leur chef, se
sont rendus maîtres de la province et maintenus indépendants.
Depuis ce temps la province de Babylonie, qui anciennement s'appelait
Sinhar, a reçu le nom de Caldée: mais une partie des Caldéens
proprement dits, restèrent dans leur montagneuse patrie, où ils
furent visités par Xénophon; d'autres encore ont pu s'établir dans
d'autres pays. Ceux qui ont occupé la Babylonie y ont adopté la
culture et les mœurs des habitants, et ayant été amollis par le
luxe, ils ont succombé sous les Perses.
Le nom de Caldéens n'a pas seulement été étendu aux Babyloniens
leurs sujets, mais il a encore été employé dans une acception tout
à fait particulière, pour désigner les savants de Babylone, et
plus tard ceux-là seulement qui s'adonnaient à l'astrologie, à la
magie et aux sciences occultes, Dan 2,2 10 4,4 8,7 11 Quint. Curt. 5,
1 22 Herodot. 1,181, et ailleurs, v. plus bas.
Après Nimrod, Gen 10, 910 et Am-raphel, roi de Sinhar, dont il est
parlé en passant, Gen 14,1, le premier roi des Caldéens que nous
trouvons dans la Bible, est Mérodac, fils de Baladan, 2Roi 20, 12
(Isa 39,1; il eut avec Ezéchias des rapports de bienveillance
mutuelle, et vécut vers l'an 713 av. C. Cent ans plus tard environ,
Nabopolassar occupe le trône pendant vingt-et-un ans 626-604 ); les
prophètes Jérémie, Habacuc) annoncent l'approche d'une armée
envahissante, et l'on voit apparaître Nébu-cadnetsar. que le livre
d'Esdras appelle plus particulièrement le Caldéen, 5, 12 2Roi 24
cf. Jer 39,5 8 Son fds Evil-mérodac lui succède, 2Roi 25, 27 ïèr.
52,31 Il est tué par son beau-frère Né-riglissar qui, après
quatre ans, perd la vie dans une bataille contre Cyrus, en 556
Laboroso-Archod, mauvais roi et cruel tyran, ne règne que neuf mois;
il est assassiné, et a pour successeur ISa-bonedus qu'Hérodote
appelle Labynetus, 1, 188, et que l'Ecriture sainte nous fait
connaître sous le nom de Belsatsar; il clôt la série des rois
caldéens qui régnèrent sur Babylone; l'empire fut ensuite donné
aux Perses, Dan 5
Disons maintenant quelques mots de la religion des Caldéens. Comme
l'origine de ce peuple semble se perdre dans une antiquité voilée à
nos regards, il en est à peu près de même de son système
religieux: nous avons cependant des rai-11
niensa porté ce nom; on connaît le Jupiter Belus, Pline Hist. Nat.
37,10 Cicer. De Nat. Deor. 3,16 Hérodot. 1,181, etc. C'est aussi
d'après quelques interprètes le dieu Gad mentionné, (Isa 65, II.,
dans le texte hébreu, et que nos traductions ont rendu par ''l'armée
des cieux''. v. Gad.
Vénus semble avoir été dans tout l'O-rient l'objet du même culte
voluptueux; elle portait aussi le nom de Bahalt comme la déesse,
l'épouse, le complément féminin du Baal: c'est probablement elle
encore qu'il faut chercher dans la Hasto-reth, Hastaroth ou Astarté
des Sidoniens, 1Roi 11, o. 33 Ce dernier nom qui fait de Vénus la
reine des étoiles, renferme sous le rapport étymologique les
con-sonnes qui, dans la plupart des langues connues, servent à
désigner ces joyaux du firmament. Dans Astarté se trouve le grec
sider, le latin sidéra et astrum, le français astre, l'anglais
star, l'allemand stem, l'italien Stella, etc. Et l'un des Targummims,
dans la paraphrase de Est 2 7, dit que Ester signifie de même étoile
du matin. — Les Arabes appelaient Vénus fortuna minor, comme ils
appelaient Jupiter fortuna major.
Mercure s'appelait Nebou chez les Sabéens; c'était la planète
divine, la messagère des dieux; elle n'est pas sans rapport avec le
Hermès des Grecs et le Mercure des Romains: son nom même de Nebou
ressemble au Nabi des Hébreux, qui signifie prophète. Beaucoup de
noms propres assyriens et babyloniens sont composés de ce mot,
iVeôMcadnetsar, Naboned, iVaôopolassar; et le mont Nébo sur lequel
Moïse est mort prenait son nom de cette même idole, d'après Jérôme
qui dit dans son commentaire sur Jer 48,7 ''Sur le mont Nabo se
trouvait Kémos, idole consacrée qui est encore connue sous le nom
de Belphégor, ou Baal-Péhor''. Nom 25,3 5 v. Kémos.
La planète de Saturne passait pour exercer une mauvaise influence;
les Arabes l'appelaient magnum infortunium, et les classiques latins
aussi bien que les Orientaux nous ont conservé comme tradition la
mauvaise renomméequ'elleavait. Propert. i, 184 Lucain 1,630
PJine,Hist.
sons de croire que les connaissances religieuses des Caldéens, dans
le principe, n'étaient pas dépourvues de toute vérité; car dans
la prophétie remarquable de Daniel, 2, où les quatre monarchies du
monde sont placées selon leur valeur morale et religieuse, la
puissance des Assyriens, des Caldéens et des Babyloniens, est
représentée sous l'image de la tête d'or, tandis que les Perses ne
sont que la poitrine d'argent, les Grecs et les Romains, les hanches
et les jambes d'airain et de fer.
Dans les temps postérieurs, la religion des Caldéens fut un culte
des astres, autant du moins que nous en pouvons juger; leur théologie
était devenue astrologie: au lieu du Dieu des cieux, ils adoraient
les cieux, comme d'autres plus tard ont rendu leur culte aux hommes
sanctifiés, plutôt qu'à celui qui les a sanctifiés. L'observation
des astres avait toujours été une de leurs principales occupations,
et ils y avaient fait des progrès remarquables. Callisthènes,
philosophe et savant grec, trouva à Babylone, lorsque la ville fut
prise par Alexandre, un grand nombre de calculs astronomiques, dont
il donna connaissance à Aristote, calculs qui embrassaient une
période de 1933 ans, remontant jusqu'en 2233 av. C, c'est-à-dire
jusqu'à Mo ans seulement après le déluge (2348) à peu près à
l'époque de la confusion des langues. En se perfectionnant,
l'astrolatrie en est venue à accorder une attention spéciale aux
sept corps suivants, le Soleil, la Lune, Mercure, Vénus, Mars,
Jupiter et Saturne, à ces cinq derniers surtout, dont on regardait
deux comme bienfaisants et favorables, Jupiter et Vénus, et deux
comme sinistres, d'une influence pernicieuse, Mars et Saturne: quant
à Mercure, il était considéré comme neutre, ou plutôt il pouvait
être bon ou mauvais, suivant les circonstances.
La planète de Jupiter était appelée Bel dans les livres saints des
Sabéens, et selon quelques auteurs Gesenius) c'est cette planète
qui était adorée en Phénicie sous le nom de Baal, à Babylone sous
celui de Bel: les classiques latins et grecs rapportent aussi que le
dieu des Babylonniens. Les Sabéens rappelaient Kimn, et les Arabes
Kirén, deux noms qui correspondent tout à l'ait en hébreu, à
celui de Kijuit, divinité qu'adorèrent, selon Amos 3 26, les
Israélites dans le désert. Les Septante l'ont expliqué par
Remphan, cf. Act 7,43, mot qui encore aujourd'hui dans la langue
copte, sert à désigner la planète Saturne. Le caldéen Ki-van
signifie ferme, droit, juste; et l'on sait que les classiques nous
représentent l'âge de Saturne comme l'âge d'or, et qu'ils font
l'éloge de la justice qui régnait alors. Le nom de Saturne, qui
dérive de l'hébreu, signilie l'éternité, car Saturne est
l'éternité personnifiée, en grec chronos, le temps infini. — Le
Molok auquel on sacrifiait des enfants, en les faisant passer par le
feu, était encore le même, Amos 5, 20 Diod. Sic. 20, 14 Les anciens
Arabes faisaient son culte le samedi dans un temple sexangulaire
noir, et habillés de noir; l'antiquité lui a consacré le septième
jour de la semaine, et le samedi porte encore son nom chez les
Latins, saturai dies, et chez les Anglais saiurdaij. Les rabbins,
pourdésignereette planète, l'appellent la sabbatique, shabtdi. Mars
avait reçu des Arabes le nom ù'infortun'mm minus; il était moins
pernicieux que Saturne, quoique cependant malfaisant. Son temple
était rouge, ses vêtements étaient ronges, et ceux qui lui
offraient des sacrifices arrosaient leurs habits de sang. Comme il
est appelé Nirig dans la langue araméenne, Gesenius l'a comparé à
Nergal, l'idole des Cuthéens, 2Roi 47,30, qui entre aussi dans la
composition de plusieurs noms propres assyriens, JVen^lissor dont
parle Josè-phe, iVerpoi-Saréetser, Jer 39,3, etc. Mirrick est une
autre forme de Nirig; Mirrick se prononçait aussi quelquefois
Mirdik, et de là est venu le nom de Mé-rodac, Jer 80, 2 (Isa 39,1,
qui désigne le dieu Mars avec tout son entourage militaire et
meurtrier; c'est encore le même nom qui a passé dans les langues
occidentales et modernes, avec la finale de moins; en latin Mars,
Martin; mors, Mortis; en allemand Mord; en français mort, meurtre,
etc. Et comme les noms de Bel et de Nébo entraient souvent dans
la composition des noms propres, celui du dieu Mérodac fait partie
du nom de Evil-Mérodac, 2Roi 25, 27 et de Mé-rodac-Baladan, (Isa
39,1
Cette vénération des planètes chez les anciens Caldéens, marchait
de pair avec l'astronomie et l'astrologie. Quant à la première de
ces sciences, elle avait fait des progrès considérables. Ptolémée
nous a conservé des calculs d'éclipsés de lune qui ont eu lieu le
19 mars 721 av. C, dans la nuit du 8 au 9 mai 720, le 22 avril 621,
etc., et les calculs de nos savants ne diffèrent que de quelques
minutes de ces anciennes données. Le temple de Bel, qui servait
d'observatoire, avait ses quatre côtés tournés vers les points
cardinaux.
Leur astrologie se fondait sur la croyance que les forces des astres
et des planètes, dans leurs conjonctures, influaient essentiellement
sur les destinées des hommes; toutes leurs connaissances
astrologiques furent transmises de génération en génération, par
tradition, au sein des familles et des castes. Les membres de ces
dernières portaient le titre de Caldéens par excellence. Ils
croyaient le monde composé d'atomes impérissables, et tout ce qui
arrivait dans la voûte céleste était, selon eux, l'effet d'une
résolution immuable de la destinée. Selon Diodore, ils ont prédit
à Alexandre qu'il mourrait à Babylone, et à Anligone qu'il
succomberait dans la guerre contre Séleucus-Ni-cator. — Les astres
dont les combinaisons étaient essentielles pour faire un horoscope
étaient les planètes avec leurs différentes qualités, et les
douze signes du zodiaque qui exerçaient aussi, à ce que l'on
croyait, une grande influence, selon la manière dont ils se
combinaient avec les planètes. Jusqu'à nos jours encore, on trouve
dans l'opinion vulgaire quelques restes de ces superstitions.
Avant de terminer, et quoique cela sorte un peu des bornes de notre
article, nous ajouterons quelques mots sur les erreurs astrologiques
et sur les superstitions qui se sont glissées à cet égard chez les
Hébreux, et dont nous trouvons des traces dans la sainte Ecriture.
Il est parlé, 2Roi 23,11, de chevaux consacrés au soleil à
Jérusalem; d'encencements aux signes du zodiaque, 2Roi 23,5, En
français astres); d'un culte astronomique à une reine des cieux,
Jer 7,18 Cette dernière idolâtrie, ainsi que l'adoration du soleil,
est encore indiquée Job 31, 26 27) Et le Seigneur lui-même prend le
nom du Seigneur des armées Des cieux) pour indiquer qu'il est
au-dessus de toutes les autres divinités: il s'appelle aussi celui
qui habite au-dessus des chérubins, 2Sam 6,2, pour indiquer sa
puissance: les chérubins étaient probablement les symboles de la
nature créée dans ses diverses qualités.
|
|